La mode au théâtre à la reprise du « Secret »

Le Matin, 30 octobre 1913

La scène est émouvante, entre les deux femmes, dont l’une est si méchante, et l’autre si tendre. Celle-ci ne sait que se confier et se plaindre ; celle-là recueille avidement la confidence, avec une attention venimeuse, avec une merveilleuse légèreté dévastatrice. Je voudrais ne penser qu’à ce qu’elles disent, ne m’attacher qu’à leurs visages, mais… mais il y a les robes.

Il y a non seulement un damnable petit paletot rouge sang, épaissi de fronces, gibbeux, mais encore la jupe qu’il découvre, blanche à naïves fleurs de velours pourprées, serrée aux chevilles. Il y a un chapeau noir, qui a une fusée au derrière, un chapeau pour hémiplégique qui cache au public la moitié d’un gracieux visage…

La tendre femme dit à la méchante : « Tu es mon amie, mon conseil, ne m’abandonne pas… »

Elle versera un peu après, dans les bras de son fiancé, de calmes larmes heureuses. Et au lieu de m’abîmer dans l’amour et le drame, je ne manquerai pas, à chaque pas, à chaque geste, de maudire, au nom du bon sens et de l’art dramatique, la Mode, à cause de la jupe qui bride les genoux, du dos qui fait bosse, des manches qui retiennent le coude à la ceinture.

À l’acte suivant, lorsqu’une des jeunes femmes se détournera en pleurant, le rideau de tulle blanc qui drape sa robe rose badinera avec une grâce munichoise et l’air de dire : « Ne nous frappons pas ! Il y a encore de beaux jours pour les sacs à fondants. »

Hélas ! sur cette scène et sur les autres, l’élan des belles amoureuses évoque une course en sac, et leur démarche imite, au mieux, la gêne du petit enfant qui a mouillé sa chemise…

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