VI

– Tu comprends, ce qu’il me faudrait, c’est un coin tranquille… Un rien, une garçonnière, un pied-à-terre…

– Je ne suis pas une enfant, reprocha la Copine.

Elle leva vers le plafond à guirlandes ses yeux inconsolables.

– Un peu de rêve, mon Dieu, un peu de roman et de caresses pour un pauvre cœur d’homme… Tu parles si je comprends ! Et tu n’as pas de préférence ?

Chéri fronça les sourcils.

– De préférence ? Pour qui ?

– Tu ne me comprends pas, mon bel enfant… De préférence pour un quartier ?

– Ah… Non, je n’ai pas de préférence. Un coin tranquille.

La Copine hocha sa grande tête complice.

– Je vois, je vois. Quelque chose dans mon genre, – dans le genre de mon appartement. Tu sais où je reste ?

– Oui…

– Non, tu n’en sais rien. J’étais sûre que tu ne le mettrais pas en écrit. Deux cent quatorze, avenue de Villiers. Ça n’est ni beau ni grand. Mais tu ne cherches pas une garçonnière pour être remarqué ?

– Non.

– Moi, j’ai trouvé la mienne grâce à une combine avec ma propriétaire. Un bijou de femme, par parenthèse, mariée ou tout comme. Un oiseau aux yeux de pervenche, mais la fatalité l’a marquée au front, et je lui ai déjà vu dans ses cartes qu’elle abusait de toutes choses et que…

– Oui. Tu m’as dit tout à l’heure que tu connaissais un pied-à-terre…

– Un pied-à-terre, oui, mais indigne de toi.

– Tu crois ?

– De toi… de vous !

La Copine enfouit son rire plein d’allusions dans un whisky dont l’odeur de harnais mouillé incommodait Chéri. Il supporta qu’elle plaisantât de bonnes fortunes imaginaires, car il voyait, sur son cou grenu, un fil de grosses perles creuses qu’il croyait reconnaître. Toute trace intacte du passé l’immobilisait sur une voie qu’il descendait insensiblement, et pendant ces haltes, il se reposait.

– Ah ! soupira la Copine, je voudrais la contempler au passage ! Quel couple !… Je ne la connais pas, mais je vous vois ensemble !… Naturellement, tu veux la meubler ?

– Qui ?

– Mais ta garçonnière, donc !

Perplexe, il regarda la Copine. Des meubles… Quels meubles ? Il n’avait songé qu’à une chose : posséder une retraite dont la porte s’ouvrirait, se refermerait pour lui seul, sur un lieu ignoré d’Edmée, de Charlotte, de tous…

– Tu la meubles en ancien, ou en moderne ? La belle Serrano avait tendu son rez-de-chaussée rien qu’en châles espagnols, mais c’est une excentricité. Il est vrai que tu es assez grand pour savoir ce que tu veux…

Il l’écoutait peu, requis par l’effort d’imaginer un futur logis, secret, étroit, chaud et noir. Cependant, il buvait du sirop de groseilles comme une jeune fille d’autrefois, dans le bar rougeâtre, démodé, invariable et pareil à lui-même depuis que Chéri, garçonnet, y avait sucé du bout d’une paille ses premiers barbotages… Le barman lui-même ne changeait pas, et si la femme assise en face de Chéri était une femme flétrie, au moins ne l’avait-il jamais connue belle, ni jeune…

« Ma mère, ma femme, les gens qu’elles voient, tout ce monde change, et vit pour changer… Ma mère peut devenir banquier et Edmée conseiller municipal. Mais moi… »

Il se hâta de revenir en pensée au refuge futur, situé dans un point inconnu de l’espace, mais qui serait secret, étroit, chaud et…

– Moi, c’est algérien, poursuivait la Copine. Ça ne se fait plus, mais ça m’est bien égal, d’autant que c’est des meubles prêtés. J’y ai mis des souvenirs, des photos du bon temps, des photos que tu connais sûrement, et puis le portrait de la Loupiote… Viens le visiter, tu me feras plaisir.

– Je veux bien. Allons !

Du seuil, il appela un taxi.

– Mais tu n’as donc jamais ton auto ? Pourquoi n’as-tu pas ton auto ? C’est tout de même extraordinaire que les personnes qui ont une auto n’ont jamais leur auto ?

Elle rassemblait sa jupe noire fanée, pinçait le cordonnet de son face-à-main dans le fermoir de son sac, laissait tomber un gant, et subissait avec un sans-gêne nègre les regards des passants. À côté d’elle, Chéri reçut des sourires insultants et l’admiration condoléante d’une jeune femme qui s’écria : « Que de bien de perdu, Seigneur »

Patient, assoupi, il subit le bavardage de la vieille femme dans la voiture. Elle lui contait d’ailleurs de douces histoires, celle du petit chien de neuf cents grammes qui avait immobilisé le retour des courses de 1897, celle de la mère La Berche enlevant une jeune épousée, le jour du mariage, en 1893…

– C’est là. Ouvre-moi la portière qui est dure, Chéri. Je te préviens que le vestibule n’est pas clair, ni d’ailleurs, comme tu vois, l’entrée de la maison… Mais un rez-de-chaussée, n’est-ce pas… Reste là une seconde…

Debout dans l’obscurité, il attendait. Il écoutait un bruit de trousseau de clefs, une soufflerie de la créature âgée et poussive, sa voix de servante affairée.

– J’allume… Tu vas d’ailleurs te trouver dans un pays de connaissance. Bien entendu, j’ai l’électricité… Je te présente mon petit salon, qui est en même temps mon grand salon.

Il entra, loua sans la voir, par gentillesse, une pièce basse aux murs vaguement grenat, boucanée par la fumée d’innombrables cigares et cigarettes. D’instinct, il chercha la fenêtre aveuglée de volets et de rideaux…

– Tu n’y vois pas ? Tu n’es pas un vieil oiseau de nuit comme ta Copine… Attends, j’allume le plafond.

– Ne te donne pas la peine… Je ne fais qu’entrer et…

Tourné vers la paroi la plus éclairée, tapissée de petits cadres et de photographies percées de quatre punaises, il se tut, et la Copine se mit à rire.

– Quand je te le disais que tu serais en pays de connaissance ! J’étais sûre que ça te ferait plaisir. Tu ne l’as pas, celle-là ?

Celle-là, c’était un très grand portrait photographique, rehaussé de couleurs d’aquarelle presque éteintes. Des yeux bleus, une bouche riante, un chignon blond, un air de paisible triomphe armé. La taille haute dans… un corselet premier-empire, et des jambes visibles sous la gaze, des jambes à n’en plus finir, renflées aux cuisses, minces au genou, des jambes… Et un chapeau de gommeuse, un chapeau qui n’avait qu’une seule aile relevée, tendue comme une seule voile au vent…

– Elle ne te l’avait pas donnée, celle-là, je le parie bien ? Une déesse, une fée là-dessus Elle marche sur les nuées Et comme c’est bien elle tout de même ! Cette grande photo, c’est la plus belle à mon sens, mais je tiens tout autant aux autres, tiens, par exemple cette petite-là, qui est beaucoup plus récente, est-ce que ce n’est pas un plaisir des yeux ?

Un instantané, assujetti par une épingle rouillée, montrait une femme sombre sur un jardin clair…

« C’est la robe bleu-marine et le chapeau avec des mouettes », se dit Chéri en lui-même.

– Moi, je suis pour les portraits flatteurs, continua la Copine. Un portrait comme celui-ci, voyons, en conscience est-ce que ce n’est, pas à joindre les mains et croire en Dieu ?

Un art bas et savonneux avait léché le suave « portrait-carte », allongé le cou, rétréci un peu la bouche du modèle. Mais le nez, aquilin juste assez, le nez délicieux et ses conquérantes narines, mais le pli chaste, le sillon de velours qui creusait sous le nez la lèvre supérieure, demeuraient intacts, authentiques, respectés du photographe même…

– Crois-tu qu’elle voulait tout brûler, sous prétexte qu’à présent ça n’intéresse plus personne de savoir comme elle a été ? Mon sang s’est révolté, j’ai jeté des cris d’enfer, elle me les a toutes données, le même jour qu’elle m’a fait cadeau du réticule à son chiffre…

– Qui c’est, ce type, là-dessus, avec elle ?

– Quoi ? Tu dis ? qu’est-ce qu’il y a ?… Attends que je pose mon chapeau…

– Je te demande qui c’est, le type, là… Un peu vite, allons…

– Mon Dieu, mais tu me bouscules… Là ? C’est Bacciocchi, voyons ! Naturellement, tu ne peux guère le reconnaître, il date de deux tours avant toi.

– Deux quoi ?

– Après Bacciocchi, elle a eu Septfons, et encore non, attends, Septfons, c’était avant… Septfons, Bacciocchi, Spéleïeff, et toi.

Hein, ce pantalon à carreaux… C’est rigolo, ces modes d’hommes d’autrefois.

– Et cette photo-là, c’est de quand ?

Il s’écarta d’un pas, car la Copine penchait, près de lui, sa tête nue et des cheveux en nid de pie, feutrés, qui sentaient la perruque.

– Ça, c’est sa toilette des Drags en… en dix-huit cent quatre-vingt-huit ou neuf. Oui, l’année de l’exposition. Là, mon petit, il faut tirer le chapeau. Des beautés comme ça, on n’en fait plus.

– Peuh… Je ne la trouve pas épatante…

La Copine joignit les mains. Sans chapeau elle vieillissait, la chevelure teinte d’un noir vert, au-dessus d’un front nu, en beurre jaune.

– Pas épatante ! Cette taille à serrer dans les dix doigts ! Ce cou de colombe ! Et regarde-moi la robe ! Toute en mousseline de soie ciel coulissée, mon petit, et des cordons de roses pompon cousus sur les coulissés, et le chapeau en pareil ! Et la petite aumônière en pareil aussi, – on appelait ça une aumônière… Ah ! la beauté ! on n’a pas revu de débuts comme les siens, une aurore, un soleil de l’amour.

– Des débuts où ?

Elle poussa Chéri d’une molle bourrade.

– Allons !… Ce que tu me fais rire ! Ah ! les deuils de la vie doivent être bien roses, près de toi !…

Tourné vers la muraille, il cachait ainsi son visage rigide. Il parut attentif encore à quelques Léa, l’une respirant une rose artificielle, l’autre penchée sur un livre à fermoir gothique, et découvrant une nuque large, un col sans pli, rond et blanc, en fût de bouleau.

– Eh bien, je m’en vais, dit-il comme Valérie Cheniaguine.

– Comment, tu t’en vas ? Et ma salle à manger ? Et ma chambre à coucher ? donne un coup d’œil, mon bel enfant ! Rends-toi compte, pour ta garçonnière ?

– Ah oui… Écoute, pas aujourd’hui, parce que…

Il glissait vers le rempart de portraits un regard méfiant et baissait la voix.

– J’ai un rendez-vous. Mais je reviens… demain. Probablement demain, avant le dîner.

– Bon. Alors, je peux marcher ?

– Marcher ?

– Pour l’appartement ?

– Oui. C’est ça. Vois venir. Et merci.

***

« Ma parole, je me demande dans quel temps on vit… Les jeunes, les vieux, c’est à qui sera le plus dégoûtant… Deux « tours » avant moi… Et des débuts, dit cette vieille araignée, des débuts éblouissants !… Tout ça au grand jour, non, vraiment, quel monde… »

Il s’aperçut qu’il menait un train d’entraînement pédestre, et qu’il s’essoufflait. Aussi bien l’orage, lointain et qui n’éclaterait pas sur Paris, arrêtait la brise derrière une muraille violette, droite contre le ciel. Sur les fortifications, au long du Boulevard Berthier, une foule clairsemée de Parisiens en espadrilles, d’enfant demi-nus en jerseys rouges, semblait attendre, sous les arbres dénudés par l’été, qu’une marée montante accourût de Levallois-Perret. Chéri s’assit sur un banc, sans prendre garde que ses forces, mystérieusement délabrées depuis qu’il les dispersait en veilles, depuis qu’il négligeait d’assouplir et d’alimenter son corps, devenaient promptes à le trahir.

« Deux tours vraiment deux tours avant moi. Et après moi, combien ? Et en les additionnant tous, moi compris, combien de tours ? »

Il revoyait, aux côtés d’une Léa de bleu vêtue, de mouettes coiffée, un Spéléïeff haut et large, tout riant. Petit garçon, il se souvenait d’une Léa triste, rouge d’avoir pleuré, et qui lui caressait les cheveux en l’appelant « sale graine d’homme »…

L’amant de Léa… Le nouveau béguin de Léa… Mots traditionnels et sans portée, usuels comme les prédictions météorologiques, comme la cote d’Auteuil, comme les vols domestiques. « Tu viens, gosse ? » disait Spéléïeff à Chéri. « On va prendre un porto à Armenonville en attendant que Léa rejoigne, je ne peux pas la tirer du pieu, ce matin »…

« Elle a un nouveau petit Bacciocchi ravissant ! » annonçait Mme Peloux à son fils, alors âgé de quatorze ou quinze ans…

Mais, faisandé et frais tout ensemble, familier de l’amour, aveuglé par l’évidence de l’amour, Chéri parlait amour, en ce temps là, à la manière des enfants qui ont appris d’un langage tous les mots, suaves ou sales, comme des sons purement musicaux et privés d’origine. Aucune image vivante et voluptueuse ne se levait dans l’ombre de ce grand Spéléïeff, à peine levé du lit de Léa. Et, ce « petit Bacciocchi ravissant » quelle différence y avait-il entre lui et un « pékinois de toute beauté ? »

Portraits, lettres, récits tombés de la seule bouche qui eût été véridique, rien n’avait franchi, jamais, l’étroit éden où vivaient ensemble Léa et Chéri, pendant des années. Presque rien de Chéri ne datait d’avant Léa, – comment se fût-il soucié de ce qui avait, avant lui, mûri, chagriné ou enrichi son amie ?

Un enfant blond, aux gros genoux, appuya ses bras croisés sur le banc, à côté de Chéri. Ils se regardèrent avec une expression identique de réserve offensée, car Chéri traitait tous les enfants en étrangers. Celui-ci laissa ses yeux d’un bleu pâle sur ceux de Chéri, un long temps, et Chéri vit monter, d’une petite bouche anémique jusqu’aux prunelles bleu de lin, une sorte de sourire indicible, plein de mépris. Puis l’enfant se détourna, reprit dans la poussière des jouets souillés, et se mit à jouer au pied du banc, en supprimant Chéri de ce monde, alors Chéri se leva et s’en alla.

Une demi-heure après il gisait dans une eau tiède, odorante, troublée d’un parfum laiteux, et il jouissait du luxe et du bien-être, de l’onctueux savon, des bruits adoucis de la maison, comme s’il les eût mérités par un très grand courage ou savourés pour la dernière fois.

Sa femme rentra, fredonnante, cessa de fredonner à sa vue et ne cacha pas assez son muet étonnement de rencontrer Chéri chez lui, en peignoir de bain. Il l’interrogea sans ironie.

– Je te gêne ?

– Pas du tout, Fred.

Elle quittait ses vêtements de la journée avec une liberté jeune, écartée de la pudeur et de l’impudeur, avec une hâte vers la nudité et l’eau qui divertit Chéri.

« Comme je l’avais oubliée », songeait-il en regardant le dos d’esclave, sinueux, aux vertèbres cachées, de la femme penchée qui dénouait son soulier.

Elle ne lui parlait pas, agissait en sécurité comme une femme qui se sent seule, et il revit l’enfant dans la poussière qui jouait tout à l’heure, à ses pieds, avec la volonté de ne le point voir.

– Dis-moi…

Edmée releva un front surpris, un doux corps demi-nu.

– Qu’est-ce que tu dirais si nous avions un enfant ?

– Fred !… À quoi penses-tu !

Ce fut presque un cri de terreur, et Edmée tenait maintenant d’une main un chiffon de linon serré contre sa gorge, tandis que son autre main attirait à tâtons le premier kimono venu. Chéri ne put s’empêcher de rire.

– Veux-tu mon revolver ?… Je ne t’attaque pas, tu sais.

– Pourquoi ris-tu ? demanda-t-elle tout bas. Tu ne devrais jamais rire…

– Je ris rarement. Mais explique-moi – on est si tranquilles, voyons, nous deux – explique-moi… C’est si terrible, pour toi, cette idée que nous aurions pu, que nous pourrions avoir un enfant ?

– Oui, dit-elle cruellement, et sa franchise inattendue sembla la blesser elle-même.

Elle ne quitta pas du regard son mari renversé dans un fauteuil bas, et murmura nettement afin qu’il entendît :

– Un enfant… Pour qu’il te ressemble… Deux fois toi, deux fois toi dans une seule existence de femme ?… Non… Oh non…

Il commença un geste auquel elle se trompa.

– Non, je t’en prie… C’est tout. Je ne dirai pas un mot de plus. Laissons tout en place. Nous n’avons qu’à faire un peu attention, et continuer… Je ne te demande rien.

– Ça t’arrange ?

Elle ne répondit que par un regard qui seyait à sa nudité de captive, un regard plein d’impuissance injurieuse et de misérable plainte. Sa joue poudrée de frais, sa bouche jeune et rougie, le léger halo brun autour des yeux bruns, l’apprêt discret et soigné de tout le visage accentuait par contraste le désordre de son corps, nu sauf le linge de soie froissée qu’elle serrait sur ses seins.

« Je ne peux plus la rendre heureuse », pensait Chéri, « mais je peux encore la faire souffrir. Elle ne m’est pas complètement infidèle. Tandis que moi, qui ne la trompe pas, je l’ai abandonnée. »

Détournée de lui, Edmée s’habillait. Elle avait repris sa liberté de mouvements, sa menteuse indulgence. Une robe d’un rose très pâle cachait maintenant la femme qui appuyait si fort son dernier voile sur sa gorge comme sur une blessure.

Elle avait recouvré, son élastique volonté le désir de vivre, de régir, la prodigieuse et femelle aptitude au bonheur. De nouveau Chéri la méprisa, mais vint un moment où la lumière du soir, traversant la robe rose légère, délimita une forme de jeune femme qui ne ressemblait plus à la blessée nue, une forme aspirée vers le ciel, énergique et ronde comme un serpent dressé…

« Je peux encore lui faire mal, mais comme elle guérit vite… Ici non plus, je ne suis ni nécessaire, ni attendu… Elle m’a dépassé, et s’en va ailleurs, je suis, dirait la vieille, son premier tour… À moi de l’imiter, si je pouvais. Mais je ne peux pas. Et encore, est-ce que je voudrais, si je pouvais ? Edmée n’a pas buté, elle, sur ce qu’on rencontre une fois seulement et dont on reste assommé… Spéléïeff disait qu’après une certaine chute qui ne leur a pourtant coûté aucun membre, il y a des chevaux qu’on tuerait devant l’obstacle plutôt que de les faire sauter… J’ai eu le mauvais obstacle… »

Il cherchait encore des comparaisons sportives, un peu brutales, qui eussent assimilé sa ruine et son mal à un accident. Mais sa nuit, qu’il commença trop tôt, et ses songes d’homme recru furent visités d’images suaves, de coulissés bleu-de-ciel et de réminiscences dues à la littérature impérissable qui franchit le seuil foulé des logis vénaux, vers et proses voués à la constance, aux amants que la mort ne saurait disjoindre, vers et proses où puisent, égaux en crédulité et en exaltation, les courtisanes usées et les adolescents…

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