XV. Le procès. Les préliminaires.

Je confesse encore une de mes faiblesses : je ne puis prendre sur moi de copier, pour la seconde fois, l’horrible titre qui, sur la première page de la relation du procès, imprimait une si ignominieuse tache au nom de mon mari. J’ai déjà copié une fois ce titre, que cela suffise.

En tournant cette première page, je trouve sur la seconde une note qui atteste la parfaite exactitude du compte-rendu. Le reporter dit qu’il a joui de certains privilèges particuliers. Ainsi, le Juge-Président a révisé le résumé qu’il a fait au jury. En outre, les avocats pour l’accusation et pour la défense, suivant l’exemple du Président, ont aussi révisé leurs plaidoiries pour et contre l’accusé. Enfin, un soin particulier a été apporté à la correction littérale des dépositions des témoins. J’éprouvai une certaine satisfaction en lisant cette note, qui m’assurait dès le début que le compte-rendu de ce procès était, dans chacun de ses détails, complètement et absolument authentique.

La page suivante m’intéressa peut-être encore davantage. Elle énumérait les acteurs de ce drame judiciaire… les hommes qui avaient tenu dans leurs mains l’honneur et la vie de mon mari. En voici la liste :

Juges siégeants.

LE LORD JUSTICE CLERK,

LORD DRUMFENNICK,

LORD NOBLEKIRK.

Conseils pour la Couronne.

LE PROCUREUR-GÉNÉRAL (Mintlaw),

DONALD DREW, Esq. député-avocat.

Agent pour la Couronne.

M. JAMES ARLISS, W. S.,

Conseils pour l’accusé.

LE DOYEN DE LA FACULTÉ (Farmichael),

ALEXANDRE CROUKET, Esq. avocat.

Agents pour la défense.

M. THORNIEBANK, W. S.,

M. PLAYMORE, W. S.

L’acte d’accusation venait ensuite. Je ne copierai pas le langage barbare, plein de répétitions inutiles et, si j’entends quelque chose en cette matière, émaillé de fautes de grammaire, dans lequel mon mari innocent était solennellement et faussement accusé d’avoir empoisonné sa première femme. Le moins que je reproduirai ici de ce faux et odieux document, ce sera, selon moi, le mieux.

En deux mots Eustache Macallan était incriminé et accusé, à la requête de David Mintlaw, Esq., avocat, chargé des intérêts de Sa Majesté, comme ayant donné la mort, au moyen de poison, à sa femme, dans sa résidence de Gleninch, comté de Mid-Lothian. Il était allégué que ce poison avait été méchamment et traîtreusement administré par le prévenu à sa femme, Sarah, en deux occasions, sous forme d’arsenic introduit dans le thé, la médecine, ou autres aliments et boissons, ignorés de l’avocat poursuivant, ou de toute autre manière également ignorée dudit avocat. Il était, en outre, déclaré que la femme du prévenu avait succombé à ce poison ainsi administré par son mari, dans l’une ou dans l’autre, ou dans les deux susdites éventualités, et que son mari lui avait ainsi donné la mort. Le paragraphe suivant constatait que le dit Eustache Macallan, conduit devant John Daviot, Esquire, avocat, substitut du shériff de Mid-Lothian, avait, à Édimbourg, le 29 octobre, en présence dudit substitut, signé une déclaration affirmant qu’il était innocent de ce crime : déclaration insérée dans l’acte d’accusation, ainsi que d’autres documents, papiers, et articles énumérés dans un inventaire destiné à servir de témoignage contre le prévenu. L’acte d’accusation se terminait par cette conclusion que, dans le cas où le crime imputé à l’accusé serait reconnu prouvé par le verdict, ledit Eustache Macallan devrait être puni des peines prévues par la loi, pour détourner, à l’avenir, de la perpétration d’un pareil crime, quiconque en aurait conçu la pensée.

Tel était en substance l’acte d’accusation ! J’en ai fini… et je me réjouis d’en avoir fini avec cette pièce…

Un inventaire des papiers, documents, et articles, venait à la suite et remplissait trois pages. L’inventaire même était suivi de la liste des témoins, et des noms des jurés, au nombre de quinze, tirés au sort, pour siéger dans la cause. Après quoi, commençait enfin le compte-rendu du procès. Il pouvait se résumer, selon moi, en trois grandes questions. Qu’on me permette de le produire tel qu’il apparut alors à mes yeux.

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