LES MÊMES, FITTON, FLETCHER, JARVIS
Ils apparaissent vivement et sans bruit par la porte, et examinent Alice avec surprise.
ALICE. – Je savais qu'ils étaient cachés… Et je vois clairement votre plan… C'est à lui que vous en voulez tous.
Elle se dirige rapidement vers la fenêtre pour essayer de l'ouvrir, mais, n'y parvenant pas, elle va vers la porte du placard. Orlebar l'arrête au passage.
ORLEBAR. – Ne vous alarmez pas… Il ne s'agit que d'une plaisanterie sans conséquence.
ALICE. – Écoutez ! Vous désirez ardemment ces lettres que je possède… Laissez-moi m'en aller, et je vous les rapporte ici, ou à tout autre endroit que vous m'indiquerez !
ORLEBAR. – Vous n'avez pas besoin de vous déranger. Dites-moi seulement où elles se trouvent.
ALICE. – Je vous le dirai, si vous me promettez de renoncer à tout mauvais dessein contre celui que vous attendez.
ORLEBAR. – C'est entendu ! … Maintenant, dites où est le paquet.
ALICE. – Attaché au store gauche de la fenêtre de ma chambre… Vous le trouverez facilement.
ORLEBAR. – Fiez-vous à moi ! … remontant vers ses acolytes et leur parlant à mi-voix. Emparez-vous de mademoiselle, et emmenez-la d'ici jusqu'à que Sherlock Holmes soit arrivé. Quand il aura franchi cette porte, dites à Paddy Plum de garder la jeune personne enfermée dans sa voiture. Il ne faut pas qu'elle rentre à la maison avant que j'y sois allé moi-même mettre la main sur le pot aux roses…
FLETCHER, bas. – La corde, Jarvis !
ORLEBAR. – Je suis désolé, mais nous allons être forcés de vous mettre en cage !
ALICE. – Vous m'avez promis, si je vous révélais mon secret… ORLEBAR. – De ne faire aucun mal à Sherlock Holmes ? Eh bien ! il n'a pas encore à se plaindre de nous !
ALICE. – Alors, renvoyez ces hommes !
ORLEBAR, avec ironie. – Comment donc ? Se tournant vers les autres. Allez vous-en, mes enfants ! Je n'ai plus besoin de vous !
Ils ne bougent pas.
ALICE, les regardant terrifiée. – Ils ne vous obéissent pas ! Ils sont…
Jarvis la saisit. Elle veut résister, mais Fitton et Fletcher viennent à la rescousse et la ligotent rapidement. Fletcher tire de sa poche un foulard avec lequel il se prépare à la bâillonner. Le mouvement de la lutte a amené Alice et ses assaillants du côté du placard de droite. Au moment où on finit de lui attacher les mains, un sifflement aigu résonne comme s'il venait de la rue. La lutte s'arrête. Second coup de sifflet.
FITTON. – Qu'est-ce que c'est que ça ?…
ORLEBAR. – C'est lui ! C'est Sherlock Holmes !…
FLETCHER. – Comment le savez-vous ?
ORLEBAR. – Ce coup de sifflet vient de Bribb… Je l'ai mis aux aguets !
FITTON. – Alors, nous n'avons pas le temps de faire disparaître cette femme…
ORLEBAR. – Tenez ! Enfermez-la ici. Il montre le placard.
JARVIS. – Bonne idée !
FLETCHER. – Dépêchons ! À Fitton. Ouvre la porte, toi ! Vite donc !
Fitton va au placard qu'il ouvre. À ce moment, Alice, en se défendant, échappe à ceux qui la tenaient, mais Fitton remet brutalement la main sur elle. La terreur qu'elle éprouve, le bâillon qui la serre, provoquent, chez elle, une faiblesse. Les deux hommes en profitent pour la transporter dans le placard dont Jarvis repousse la porte sur elle.
JARVIS. – Il n'y a pas de serrure à cette sacrée porte !
FLETCHER. – Comment faire ? … La demoiselle a beau être évanouie… Elle se ranimera.
ORLEBAR. – Barricadez la porte !
FLETCHER. – Non, ton couteau, Jarvis !…
Jarvis lui tend un long couteau qu'il ouvre.
ORLEBAR. – Un couteau ne remplace pas une serrure ! FLETCHER. – Si ! Quelquefois !
FITTON. – Enfonce-le à fond !
Jarvis enfonce violemment son couteau dans la porte de façon à ce qu'il la traverse en se fixant dans le chambranle.
FITTON. – Si nous tardons, Holmes va nous trouver ici !
JARVIS. – Eh bien, tant mieux ! Nous lui sauterons sur le dos tout de suite.
ORLEBAR, vivement. – Non pas !… Il est convenu que je dois le voir d'abord !
JARVIS. – Oui. Ce sont les ordres du patron. Nous avons peut-être le temps de gagner l'allée ?
FLETCHER. – Alors, dépêchons !
Ils disparaissent tous les trois par la porte qui reste ouverte. Orlebar descend jusqu'à la porte du placard, et en y mettant toute sa force, enfonce encore plus avant le couteau dans les deux planches où il est cloué. Puis, il revient à la table, ôte rapidement son chapeau et son paletot qu'il jette sur un tonneau vide, et s'assoit d'un air tranquille en mâchonnant le bout de son cigare.