LES MÊMES, UN VIEUX PRÊTRE ITALIEN, UN CABMAN
LE VIEUX PRÊTRE, d'une voix dolente et entrecoupée d'exclamations de douleur, chaque fois que son pied droit touche par terre. – Ahi ! … Qué zé souffre… Piano ! Zé vous en supplie… Pianissimo !
LE CABMAN. – Vous allez voir le docteur… Il vous remettra d'aplomb.
JOHN. – Asseyons-le sur ce fauteuil.
LE VIEUX PRÊTRE. – Diavolo ! … C'est le fauteuil d'opérations… Zé né veux pas !
LE CABMAN. – Pour que le docteur vous donne un coup d'œil.
WATSON. – Comment l'accident s'est-il produit ?
LE CABMAN. – Ce n'est pas ma faute… Il a traversé juste au mauvais moment.
LE VIEUX PRÊTRE. – Zé vous reconnais… Vous êtes le cocer… Et zé vais vous faire arrêter.
LE CABMAN. – Arrêter ! … moi ! C'est vous qui m'arrêterez ?
LE VIEUX PRÊTRE. – Non, ce n'est pas moi. Mais zé mé plaindrai à moun ambassador…
LE CABMAN. – Et à cause de quoi qu'on m'arrêtera ?
LE VIEUX PRÊTRE. – À causé dé voutre maladresse ! On n'a pas le droit de conduire oune céval quand on n'est pas même capable de conduire oune âne.
LE CABMAN, essayant de le calmer. – Encore une fois, voulez-vous ne pas gigoter comme ça ?
LE VIEUX PRÊTRE, indigné. – Zigoter ! … Zé mé plaindrai à moun ambassador l…
LE CABMAN. – Ah ! J'en ai assez ! J'ai mon cab à la porte et il faut que j'aie l'œil à mon cheval.
LE VIEUX PRÊTRE, furieux. – Amenez voutre céval ici… Zé né veux pas que vous sortez !… Avec animation il baragouine quelques mots en italien.
WATSON, au vieux prêtre. – Monsieur, si vous voulez vous tenir tranquille un moment, je vais regarder si vous êtes sérieusement blessé.
Il va vers la bibliothèque pour chercher un instrument.
Bribb au moment où Watson sort, s'avance vers le vieux prêtre pour le regarder de près.
BRIBB. – Je voudrais bien savoir au juste ce que c'est que ce curé-là, moi… Après un coup d'œil, il relève la tête et se dirige vers la porte.
WATSON. – Comment, vous êtes encore là, vous ? …
Bribb lui fait un sourire et marche vers la porte.
Rapidement le vieux prêtre saute sur ses jambes et quand Bribb arrive au seuil, il le trouve lui faisant face.
LE VIEUX PRÊTRE, aimablement. -Vous nous quittez, moune zeune ami !
BRIBB. – Oui… ma gorge va mieux…
LE VIEUX PRÊTRE. – C'est n'est pas à la gorze seulement qué vous dévez avoir mal ?
BRIBB. – Bah !… où donc ça ?
LE VIEUX PRÊTRE. – Aux poignets… Régardez ploutôt !…
Bribb, instinctivement, tend les poignets pour les regarder.
Au même instant, on entend le bruit de deux menottes d'acier dans lesquelles le vieux prêtre les a rapidement emprisonnés.
LE VIEUX PRÊTRE. – Là, maintenant, vous êtes guéri !
BRIBB. – Sherlock Holmes !…
WATSON. – VOUS ! … C'est vous !
HOLMES, ôtant sa perruque. – Parbleu !…
Bribb, prompt comme l'éclair, file par la porte du fond.
WATSON. – Malheur ! … l'homme échappe ! …
HOLMES, avec calme. – Je ne crois pas. Il s'assied. Ah ! docteur… Vous défendez de fumer à vos clients, mais vous ne vous en privez pas vous-même. Il allume une cigarette.
LE CABMAN, entrant, poussant devant lui Bribb attaché à une double chaîne que lui-même porte à son poignet. – L'oiseau est pris, monsieur.
WATSON. – Mon Dieu ! mais c'est Forman !
HOLMES, il fait de la tête un signe affirmatif. – Oui, mon ami. C'est notre brave Forman. Est-ce que l'inspecteur Bradley est là ?
FORMAN. – Il vient d'arriver, monsieur…
HOLMES. – Eh bien, Forman, conduisez-lui votre nouvel ami et faites les présentations… Ces messieurs seront enchantés de se connaître… Mon cher monsieur Bribb, si vous souffrez encore de la gorge, je vous recommande le médecin de la prison… Il est excellent…
BRIBB, en sortant. – Quand je disais que c'était le diable, cet homme-là !
Forman l'emmène.