SCÈNE VII

LES MÊMES, SHERLOCK HOLMES

Sherlock Holmes est pâle, le désordre de sa coiffure et de ses vêtements est réparé. Les deux étrangers se lèvent et le saluent.

HOLMES, d'une voix très nette, très calme, mais dans laquelle on devine quelque arrière-pensée. – Messieurs…. Mais restez assis, je vous prie.

Les deux hommes se rassoient. Holmes est debout près du fauteuil. Il reste un moment silencieux, puis commence à parler, l'œil fixé dans le vide.

HOLMES. – L'affaire qui nous réunit sera, je crois, promptement réglée. Je vous ai priés de venir ici afin de remettre entre vos mains le paquet de lettres en possession duquel vous m'avez chargé de rentrer, au nom de la très haute personnalité que vous représentez ! À ces mots les deux diplomates s'inclinent légèrement. Laissez-moi vous dire que si je ne vous avais pas engagé ma parole j'aurais renoncé à la tâche que j'avais assumée. Mais les affaires sont les affaires… Celle-ci heureusement est terminée, et voici les documents. Il leur tend le paquet acheté à Orlebar.

LE BARON, joyeux. – Ah ! … Permettez-nous avant tout, de vous féliciter, monsieur Holmes, de l'habileté que vous avez déployée et de la rapidité étonnante avec laquelle vous avez rempli les clauses de notre contrat.

Holmes salue légèrement et s'éloigne de quelques pas dans la direction du bureau. Le comte brise le sceau du paquet, et en regarde le contenu. Il semble témoigner quelque surprise en examinant une ou deux lettres. Il les regarde de plus près, puis se dirige vers le baron, à l'oreille duquel il murmure quelque chose et tous les deux considèrent les papiers avec une expression de désappointement et de surprise.

LE COMTE. – Mais non ! non ! C'est une mystification.

LE BARON. – Ce n'est pas là, en effet, ce que nous attendons… Holmes tourne la tête de son côté et le regarde en semblant un peu étonné. Puis-je vous demander, monsieur Holmes, comment vous vous êtes procuré ces documents ?

HOLMES. – C'est bien simple. Je les ai achetés.

LE BARON. – Achetés ?

HOLMES. – Aux intéressés, et sur le consentement express de miss Brent.

LE COMTE, très sèchement. – Eh bien, monsieur, on vous a trompé.

HOLMES, semblant très surpris. – Que dites-vous ?

LE BARON. – Ce paquet que vous venez de nous remettre ne contient rien ! Pas une seule lettre, pas un des papiers qui nous tiennent tant au cœur ! … Ceux-ci ne sont que des imitations grossières, sans portée… les photographies même ne sont pas celles qui nous intéressent.

LE COMTE. – On vous a berné !… Oui, malgré toute votre habileté, monsieur Holmes, vous avez été joué comme un enfant.

HOLMES, très agité. -Est-ce possible ? … Ce que vous me dites me confond ! … Me désole ! Il tombe accablé.

LE BARON. – Cet abattement, monsieur Holmes, signifie-t-il que vous renoncez à la lutte ?… Que vous croyez impossible de reconquérir ces documents ?

HOLMES. – C'est malheureusement exact.

LE BARON. – Après l'affirmation que vous nous avez donnée ?… Après l'engagement formel que vous avez pris de réussir ?… Ce serait là une faillite indigne de vous et vous ne pouvez rester sur un échec qui ruinerait à la fois notre crédit, votre honneur et votre réputation.

Alice a paru à la porte du fond et écoute.

HOLMES. – Je vous répète que je suis désespéré… Il est trop tard ! Toute espérance de remettre la main sur les véritables papiers serait illusoire…

LE COMTE. – Mais c'est plus qu'une faute, monsieur, que vous avez commise ! … Vous n'aviez pas le droit de nous égarer… de nous tromper ainsi !… Nous entendons vous rendre responsable de toutes les conséquences de votre légèreté !… Si nous ne pouvons obtenir légalement une réparation, il nous reste au moins la possibilité de démasquer votre ignorance et votre incapacité…

HOLMES. – Je suis confondu, Messieurs ! … Et je courbe la tête sous vos reproches ! Oui, oui, je le vois, je le comprends, je suis perdu… Je suis déshonoré !

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