Éraste, Cliton
Éraste, lui donnant une lettre.
Va-t’en chercher Philandre, et dis-lui que Mélite
A dedans ce billet sa passion décrite ;
Dis-lui que sa pudeur ne saurait plus cacher
Un feu qui la consume et qu’elle tient si cher :
Mais prends garde surtout à bien jouer ton rôle ;
Remarque sa couleur, son maintien, sa parole ;
Vois si dans la lecture un peu d’émotion
Ne te montrera rien de son intention.
Cliton
Cela vaut fait, monsieur.
Éraste
Mais, après ce message,
Sache avec tant d’adresse ébranler son courage,
Que tu viennes à bout de sa fidélité.
Cliton
Monsieur, reposez-vous sur ma subtilité ;
Il faudra malgré lui qu’il donne dans le piège ;
Ma tête sur ce point vous servira de pleige ;
Mais aussi vous savez…
Éraste
Oui, va, sois diligent.
Ces âmes du commun n’ont pour but que l’argent ;
Et je n’ai que trop vu par mon expérience…
Mais tu reviens bientôt ?
Cliton
Donnez-vous patience,
Monsieur ; il ne nous faut qu’un moment de loisir,
Et vous pourrez vous-même en avoir le plaisir.
Éraste
Comment ?
Cliton
De ce carfour j’ai vu venir Philandre.
Cachez-vous en ce coin, et de là sachez prendre
L’occasion commode à seconder mes coups.
Par là nous le tenons. Le voici ; sauvez-vous.