CAP DE BONNE-ESPÉRANCE

Après les descriptions géologiques de cette région données par Barrow, Carmichael, Basile Hall et W.-B. Clarke, je puis me borner á quelques observations sur le contact des trois formations principales. La roche fondamentale est le granite ; il est surmonté de phyllade argileux, généralement dur et luisant par suite de la présence de petites paillettes de mica ; le phyllade alterne avec des couches d’une roche feldspathique à structure phylladeuse, faiblement cristalline, et passe à cette roche. Ce phyllade argileux est remarquable parce qu’à certains endroits (comme à Lion’s Rump) il est décomposé jusqu’à une profondeur de vingt pieds, et transformé en une roche grésiforme de couleur pâle, que certains observateurs ont prise erronément, je crois, pour une formation distincte. Le Dr Andrew Smith m’a conduit à Green-Point où l’on voit un beau contact entre le granite et le phyllade argileux ; ce dernier devient un peu plus dur et plus cristallin à un quart de mille du point où le granite apparaît sur la plage (mais le granite est probablement beaucoup plus rapproché en sous-sol). À une distance plus faible quelques-uns des bancs de phyllade argileux présentent une texture homogène et sont striés de zones peu distinctes de couleurs différentes, tandis que d’autres bancs offrent des taches mal définies. À 100 yards environ de la première veine de granite, le phyllade argileux commence à présenter différentes variétés, les unes sont compactes et d’une teinte pourpre, d’autres brillantes avec de nombreuses petites paillettes de mica et du feldspath imparfaitement cristallisé ; quelques-unes sont vaguement grenues, d’autres porphyriques avec de petites taches allongées d’un minéral blanc, tendre et facilement attaquable, ce qui donne à cette variété un aspect vésiculaire. Tout près du granite le phyllade argileux est transformé en une roche feuilletée de couleur sombre dont la cassure est rendue grenue par la présence de cristaux imparfaits de feldspath recouverts de petites paillettes brillantes de mica.

La ligne de contact actuelle entre la région granitique et la région du phyllade argileux s’étend sur une longueur d’environ 200 yards, et consiste en masses irrégulières et en nombreux dikes de granite enchevêtrés dans le phyllade argileux et entourés par cette dernière roche ; la plupart des dikes sont dirigés du N.-W. au S.-E. suivant une ligne parallèle à la schistosité des phyllades. Lorsqu’on s’éloigne du point de contact, on ne voit plus que de minces lits et plus loin que de simples pellicules de phyllade argileux altéré, entièrement isolées, comme si elles flottaient dans le granite grossièrement cristallisé ; mais, quoique complètement isolées, elles conservent toutes des traces de la schistosité dirigée N.-W.-S.-E. Ce fait a été observé dans d’autres cas du même genre et a été cité par des géologues éminents, comme constituant une grave objection à la théorie, généralement admise, suivant laquelle le granite a été injecté à l’état liquide ; mais, si nous songeons à l’état que doit vraisemblablement présenter la surface inférieure d’une masse feuilletée comme le phyllade argileux, après qu’elle a été violemment ployée en arche par un amas de granite fondu, nous pouvons admettre qu’elle doit être pleine de fissures parallèles aux plans de la schistosité, et que ces fissures doivent s’être remplies de granite, de sorte que, partout où les fissures étaient rapprochées les unes des autres, de simples couches en forme de cloison ou des coins de phyllade resteront comme suspendus dans le granite. Par conséquent, si, plus tard, la masse rocheuse entière se désagrège et est enlevée par dénudation, les extrémités inférieures de ces masses subordonnées ou de ces coins de phyllade demeureront entièrement isolées dans le granite, elles conserveront cependant leurs plans de schistosité propres parce qu’elles ont fait partie d’un revêtement continu de phyllade argileux à l’époque où le granite était liquide.

En suivant avec le Dr A. Smith la ligne de contact entre le granite et le phyllade qui s’étend vers l’intérieur du pays dans la direction du S.-E., nous arrivâmes à un endroit où le phyllade était transformé en un gneiss à grain fin parfaitement caractérisé, composé de feldspath grenu brun jaunâtre, d’une grande quantité de mica noir brillant, et de quelques couches minces de quartz. Nous devons conclure de l’abondance du mica dans ce gneiss comparée à la faible proportion qui s’en trouve dans le phyllade luisant, et de l’extrême petitesse de ses paillettes, qu’il a été formé ici par action métamorphique, – fait qui a été mis en doute par certains auteurs, dans des circonstances à peu près identiques. Les feuillets du phyllade argileux sont droits, et il était intéressant d’observer que, quand ils prenaient le caractère gneissique, ils devenaient onduleux et quelques-uns des plus petits plis étaient anguleux, comme c’est le cas pour les feuillets d’un grand nombre de schistes métamorphiques.

Formation de grès. – Cette formation constitue le trait le plus saillant de la géologie de l’Afrique australe. Les couches sont horizontales en un grand nombre de localités, et atteignent une puissance de 2.000 pieds environ. Le caractère du grès varie ; la roche contient peu de matière terreuse, mais elle est souvent tachetée par du fer ; certains bancs ont le grain très fin et sont tout à fait blancs ; d’autres sont aussi compacts et aussi homogènes que du quartzite. En certains endroits j’ai observé une brèche de quartz dont les fragments étaient presque entièrement fondus dans une pâte siliceuse. Il existe des veines de quartz larges et très nombreuses qui renferment souvent de grands cristaux parfaitement développés, et il est évident que dans presque toutes les couches une quantité importante de silice s’est déposée par solution. Parmi ces variétés de quartzite, la plupart offrent exactement l’aspect de roches métamorphiques ; mais, comme les couches supérieures sont aussi siliceuses que celles de la base et que les contacts avec le granite sont tout à fait normaux dans tous les points que j’ai pu observer, il me semble difficile de croire que ces couches de grès aient été exposées à l’action de la chaleur. J’ai constaté en plusieurs points, sur les lignes de contact entre ces deux grandes formations, que le granite était décomposé à la profondeur de quelques pouces et qu’il était remplacé soit par une mince couche d’un schiste ferrugineux, soit par une couche, épaisse de 4 ou 5 pouces, constituée par les cristaux du granite recimentés et sur laquelle reposait immédiatement la grande masse de grès.

M. Schomburgh a décrit une grande formation de grès du Brésil septentrional qui repose sur le granite et ressemble d’une manière remarquable, sous le rapport de la composition et sous celui de la forme extérieure de la contrée, à cette formation du cap de Bonne-Espérance. Les grès des grands plateaux de l’Australie orientale, qui reposent aussi sur le granite, diffèrent de ceux dont nous venons de parler parce qu’ils sont moins siliceux. On n’a pas découvert de fossiles dans ces trois vastes dépôts. J’ajoute enfin que je n’ai vu aucun caillou roulé provenant de roches amenées d’une grande distance au cap de Bonne-Espérance, sur les côtes orientales et occidentales de l’Australie, ni à la Terre Van Diemen. Dans l’ile septentrionale de la Nouvelle-Zélande j’ai observé de grands blocs de greenstone, mais je n’ai pas eu l’occasion de déterminer si la roche dont ils avaient été détachés se trouvait à une grande distance de ce point.

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