TERRE VAN DIEMEN

La partie méridionale de cette île est constituée principalement par des montagnes de greenstone, qui prend un caractère syénitique et contient beaucoup d’hypersthène. Ces montagnes sont généralement enchâssées jusqu’à la moitié de leur hauteur dans des couches qui renferment une grande quantité de petits coraux et quelques coquilles. Ces coquilles ont été étudiées par M. G.-B. Sowerby et sont décrites dans l’appendice ; elles consistent en deux espèces de productus et six de spirifères. Pour autant que l’état imparfait de leur conservation permette de les comparer, deux de ces coquilles, notamment P. Rugata et S. Rotundata, ressemblent à des coquilles du calcaire carbonifère d’Angleterre. M. Lonsdale a bien voulu étudier les coraux, ils consistent en six espèces non décrites appartenant à trois genres. Des espèces se rapportant à ces genres se trouvent dans les couches siluriennes, dévoniennes et carbonifères d’Europe. M. Lonsdale fait observer que tous ces fossiles ont incontestablement un caractère paléozoïque, et qu’ils correspondent, sous le rapport de l’âge, à une division du système, supérieure aux formations siluriennes.

Les couches qui renferment ces fossiles sont intéressantes par l’extrême variabilité de leur composition minéralogique. On y rencontre toutes les variétés intermédiaires entre le schiste siliceux, le schiste ardoisier passant à la grauwacke, le calcaire pur, le grès et une roche porcellanique ; et l’on ne saurait décrire certains bancs qu’en disant qu’ils sont formés d’un schiste argileux calcaréo-siliceux. Pour autant que j’aie pu en juger, la puissance de cette formation est de 1.000 pieds au moins ; la partie supérieure consiste ordinairement, sur une épaisseur de quelques centaines de pieds, en grès siliceux contenant des cailloux et sans fossiles. Les couches inférieures sont les plus variables ; elles sont formées généralement d’un schiste siliceux de couleur pâle, et ce sont elles qui renferment le plus grand nombre de fossiles. Près de Newtown on exploite une couche d’une masse calcareuse blanche et tendre, qui se trouve comprise entre deux bancs de calcaire cristallin dur, et qu’on utilise pour badigeonner les maisons. Suivant les renseignements qui m’ont été donnés par le Surveyor General, M. Frankland, on rencontre cette formation paléozoïque en divers endroits dans l’île entière ; je puis ajouter suivant la même autorité qu’il existe des dépôts primaires fort étendus sur la côte nord-est et dans le détroit de Bass.

Les rivages de Storm Bay sont bordés, jusqu’à la hauteur de quelques centaines de pieds, par des couches de grès contenant des galets appartenant à la formation que je viens de décrire, avec ses fossiles caractéristiques, et qui sont pour cette raison plus récentes que cette formation. Ces couches de grès passent souvent au schiste et alternent avec des couches de houille impure ; elles ont été énergiquement bouleversées en certains endroits. J’ai observé près de Hobart-Town un dike large d’environ 100 yards, sur l’un des côtés duquel les couches étaient redressées sous un angle de 60°, tandis que de l’autre côté elles étaient verticales en certains endroits et modifiées par l’action de la chaleur. Sur la côte ouest de Storm Bay j’ai constaté que ces strates étaient surmontées par des coulées de lave basaltique contenant de l’olivine ; et tout près de là on voyait une masse de scories bréchiformes renfermant des galets de lave, et indiquant probablement la place d’un ancien cratère sous-marin. Deux de ces coulées de basalte étaient séparées l’une de l’autre par une couche de wacke argileuse, dont on pouvait suivre le passage à des scories partiellement altérées. La wacke contenait un grand nombre de grains arrondis d’un minéral tendre, vert d’herbe, à éclat cireux et translucide sur les bords. Au chalumeau ce minéral devenait immédiatement noir, et ses arêtes aiguës se fondaient en un émail noir fortement magnétique ; il ressemble par ces caractères aux masses d’olivine décomposée que j’ai décrites à San Thiago dans l’archipel du Cap Vert, et j’aurais cru qu’il avait la même origine, si je n’avais pas trouvé dans les vacuoles du basalte une substance semblable en filaments cylindriques, état sous lequel l’olivine ne se présente jamais ; je crois que cette substance serait rangée avec le bol par les minéralogistes.

Travertin avec plantes fossiles. – Il existe en arrière de Hobart-Town une petite carrière où l’on exploite un travertin dur, dont les bancs inférieurs offrent de nombreuses empreintes de feuilles bien nettes. M. Robert Brown a bien voulu étudier les échantillons que j’y ai recueillis ; et il m’informe qu’il y a parmi eux quatre ou cinq variétés dont il n’en reconnaît aucune comme appartenant à des espèces actuelles. La feuille la plus remarquable est palmée comme celle d’un palmier-éventail, et jusqu’à présent on n’a découvert sur la Terre Van Diemen aucune plante dont les feuilles présentent cette structure. Les autres feuilles ne ressemblent ni à la forme la plus ordinaire de l’Eucalyptus (dont le genre compose, pour la plus grande partie, les forêts qui existent dans l’île), ni aux espèces faisant exception à la forme commune des feuilles de l’Eucalyptus et qui se rencontrent dans cette île. Le travertin contenant ces restes d’une flore éteinte est d’une couleur jaune pâle, dur, et même cristallin en certaines parties ; mais il n’est pas compact, et il est pénétré dans toutes ses parties par des vacuoles étroites, cylindriques et tortueuses. Il contient quelques rares cailloux de quartz, et accidentellement des couches de nodules de calcédoine, comme les nodules de chert dans notre greensand. On a recherché cette roche calcaire en d’autres endroits, à cause de sa pureté, mais on ne l’a jamais trouvée. D’après ce fait et d’après la nature du dépôt, il est probable qu’il a été formé par une source calcareuse se répandant dans un petit étang ou dans une crique étroite. Plus tard les couches ont été redressées et fissurées, et la surface a été recouverte d’une masse de nature singulière qui a comblé aussi une grande crevasse voisine, et qui est formée de boules de trapp empâtées dans un mélange de wacke et d’une substance alumino-calcaire blanche et terreuse. Ceci ferait supposer que sur les bords de l’étang où se déposait la matière calcaire, il s’est produit une éruption volcanique qui l’a bouleversé et drainé.

Soulèvement de la contrée. – Aux environs de Hobart-Town les rives orientale et occidentale de la baie sont recouvertes toutes deux, en grande partie, de coquilles brisées mélangées de cailloux qui s’élèvent jusqu’à la hauteur de 30 pieds au-dessus de la laisse de haute mer. Les colons croient que ces coquilles ont été apportées là par les aborigènes pour s’en nourrir ; il est incontestable que plusieurs grands monticules ont été formés de cette manière, comme M. Frankland me l’a fait remarquer ; mais, d’après le nombre des coquilles, d’après l’abondance des espèces de petite taille, d’après la manière dont elles sont clairsemées, et d’après certains traits de la forme du pays, je crois que nous devons attribuer la présence du plus grand nombre de ces monticules à un léger soulèvement de la contrée. Sur le rivage de Ralph Bay (qui débouche dans Storm Bay) j’ai observé un banc continu, s’étendant à 15 pieds environ au-dessus de la laisse de haute mer, et qui était recouvert de végétation ; en y fouillant, je trouvai des cailloux incrustés de serpules ; j’ai trouvé aussi le long des bords de la rivière Derwent un lit de coquilles brisées au-dessus du niveau de la rivière, et à un endroit où l’eau est aujourd’hui beaucoup trop peu salée pour que des mollusques marins puissent y vivre ; mais dans ces deux cas il est possible qu’avant la formation de certaines pointes de sable et de certains bancs de vase qui existent actuellement dans Storm Bay, les marées se soient élevées à la hauteur où nous trouvons les coquilles aujourd’hui.

On a découvert des preuves plus ou moins nettes d’un changement respectif de niveau entre les continents et la mer dans presque tous les pays situés dans cet hémisphère. Le capitaine Gray et d’autres voyageurs ont trouvé dans l’Australie méridionale des amas de coquilles soulevés appartenant à une époque géologique récente, ou à une des dernières périodes de l’ère tertiaire. Les naturalistes français de l’expédition de Baudin ont observé le même fait sur la côte sud-ouest de l’Australie. Le Rév. W.B. Clarke trouve au cap de Bonne-Espérance des preuves du soulèvement de la région à une hauteur de 400 pieds. Dans les environs de Bay of Islands à la Nouvelle-Zélande j’ai observé que, comme à la Terre Van Diemen, les rivages étaient parsemés, jusqu’à une certaine hauteur, de coquilles marines dont les colons attribuent la présence aux indigènes. Quelle que puisse être l’origine de ces coquilles, je ne puis douter, après avoir vu une coupe de la vallée de la Thames (37° S) dessinée par le Rév. W. Williams, que la contrée ait été soulevée en cet endroit. Trois terrasses disposées en gradins et formées d’une accumulation énorme de cailloux arrondis, se correspondent exactement sur les versants opposés de cette grande vallée ; chaque terrasse a environ 50 pieds de hauteur. Quand on a étudié les terrasses que présentent les vallées des côtes occidentales de l’Amérique du Sud, parsemées de coquilles marines et formées pendant les intervalles de repos qu’a présentés le soulèvement lent de la contrée, on ne saurait douter que les terrasses de la Nouvelle-Zélande aient été formées de la même manière. J’ajoute que le Dr Diffenbach rapporte dans sa description des îles Chatham (au sud-ouest de la Nouvelle-Zélande) qu’il est manifeste « que la mer a laissé à découvert bien des contrées, autrefois submergées ».

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