Mondes de fantaisie, où toute âme qui souffre
S’échappe avec amour, seriez-vous donc le gouffre
Où se perd le trop-plein, l’excessif aliment
Des rêves de l’esprit ? Quoi ! ce ravissement
Hors de nous, malgré nous des âmes aspirées
Par des cieux de rubis, par des sphères dorées,
Ne serait que démence, imagination ?
Oh ! j’y vois bien plutôt, moi, l’intuition,
Chez l’homme, des destins qui, dans le cours des âges,
Pousseront ses essors vers de célestes plages ;
Le conduiront, enfin, dans ses migrations
De planète en planète : autant de stations
Vers le ciel pressenti par notre âme inspirée,
Où notre humanité belle et transfigurée
Trouvera volupté, perfection, bonheur.
Ce globe délétère, obscur, où la douleur
Marche à côté de nous, aux régions profondes
Et froides relégué, dans l’échelle des mondes
Sans doute est le plus bas, le plus inférieur.
De ses sucs nourriciers le plus pur ; le meilleur
Est déjà dévoré. Chaque peuple qui passe
Sur son sol sans vigueur y laisse, avec sa trace,
Un terrain plus aride et des champs appauvris.
Ses forces, ses ferments se sont déjà taris
Presque dans le plus vieux de ses deux hémisphères.
Aussi les peuples forts vont-ils chercher des terres
Et s’implanter plus loin. Là, l’homme peut encor
Trouver un aliment à son puissant essor.
Mais quand par l’homme, ainsi, chaque partie usée
De sucs reproducteurs se trouvant épuisée,
La terre deviendra rebelle à le nourrir ?…
Oh !… l’homme est éternel, et ne peut pas périr !…
Son génie inventif, avant ce grand désastre,
Pour nouvelle patrie aura choisi son astre ;
Sur un monde meilleur des hautes régions
L’homme aura terminé ses transmigrations.
Et quand bien même, encor, notre faible puissance
Jusque là, vainement, chercherait la science
De marcher par les cieux… il est, n’en doutons pas,
Dans les globes voisins, de ces êtres moins bas
Que nous par le génie ; il est dans quelque monde
Des races de géants ; l’espace, enfin, abonde
D’humains qui, plus parfaits et d’esprit et de corps,
Doués de longue vie, audacieux et forts,
Auront, eux, résolu l’impossible problème.
Nous les verrions venir, avant le jour suprême,
Nous donner les moyens de traverser les cieux,
D’y trouver les objets de nos songes heureux,
Et nous mener, peut-être, aux régions vermeilles,
Voir Star plus magnifique et plus riche en merveilles.