DÉCOUVERTE.

I

Malgré mon froid dégoût pour ce hideux spectacle, la curiosité me poussait cependant à faire l’examen de la masse céleste qui pendant un instant avait pesé peut-être dans la main de Brahma, ou qui du moins au ciel avait longtemps erré dans les flots supérieurs de la mer des étoiles.

II.

Je déblayai la neige dans laquelle gisait cette pierre du ciel, et je pus voir alors la tranche micacée et quelque peu rugueuse de sa cassure ornée des plus vives paillettes. En déblayant toujours, j’aperçus chose étrange ! La coupe ainsi brisée de cet Aérolithe décrivait l’ouverture d’une excavation creusée en sa substance : Cavité régulière dont la partie absente se retrouvait sans doute dans les fragments perdus ou broyés dans la chute.

III.

Le Bolide était creux !……

Quelle était cette roche échappée aux volcans d’une sphère inconnue ? D’où venait-elle ainsi ? Était-ce des montagnes désertes de la lune ? ou, chassée à distance par le scintillement d’une étoile qui roule dans le torrent des mondes, a-t-elle, fatiguée, choisi ce globe étroit pour s’y réfugier ?

Pourquoi ces flancs creusés, cette excavation dont les parois cubiques brillent d’un éclat sombre ?

Mon esprit s’abîmait dans ses incertitudes !…

IV.

Je déblayai la neige en cherchant à l’entour.

Je pouvais espérer que les restes épars, les débris du Bolide viendraient enfin m’apprendre à quel fragment de roche ou de construction s’ajustait cette pierre…

Or, je ne vis plus trace du bloc tombé des cieux ; ses éclats en roulant s’étaient perdus sans doute au fond des précipices.

V.

Seulement, en suivant la pente des rochers, mon pied vint se heurter contre un objet sonore. Un coffret métallique finement travaillé reposait dans le sable. Son couvercle incliné comme un large pupitre était historié de figures bizarres.

VI.

Dans les sentiers déserts des monts Himalaya cet objet transporté recélait un mystère !

Je cherchai par l’étude des signes ciselés sur l’étrange cassette à fixer l’origine d’un semblable trésor, oubliant le Bolide qui montrait ses flancs creux à quelques pas de là.

VII.

Or, mon incertitude croissant de plus en plus, je saisis mon poignard pour briser les liens qui retenaient soudées les lames du pupitre.

Encore un mince effort, et ces lames disjointes allaient se détacher…

J’hésitai cependant, car mon cœur avec force battait dans ma poitrine !

Que pouvait renfermer cet objet enfoui aux froides régions des grands monts de l’Asie, aux plus hautes limites de la terre habitée ?

Étaient-ce les plats d’or des Dieux de Bénarès ? La mitre d’un grand-prêtre du temple de Bouddha, ou bien les diamants du trône des Mogols ? Dis ! terre de Golconde qui caches dans ton sein des brillants tous de flammes, ai-je trouvé l’écrin où ton Rajah cupide a mis tes escarboucles les plus étincelantes ?

Et l’esprit enivré du merveilleux délire de ces rêves dorés, oh ! j’eus peur un instant d’être aveuglé des feux qu’un rayon de soleil pouvait faire jaillir du foyer de richesses renfermé dans ma main.

Toutefois, en cherchant à chasser de mon âme ces splendides chimères ; le lieu, l’objet, l’aspect me faisaient pressentir quelque rare trésor.

J’ouvris en palpitant !

VIII.

Je trouvai plusieurs livres, avec un petit nombre de papiers manuscrits……

IX.

Il me fut impossible de deviner la langue parlée en ces écrits. Je n’y pus reconnaître les signes du langage d’une des nations qui pivotent autour des monts Himalaya.

De tant d’événements et d’étranges mystères inquiet, curieux, je résolus dès lors de me charger du coffre. C’était un grand dessein, car ma vie aurait là un immense secret sans doute à pénétrer.

X.

Avant de m’éloigner mon regard se porta une dernière fois sur cette scène abrupte depuis deux jours, deux siècles, solitaire témoin de mes longues angoisses.

Pyramide brisée, le pic décapité paraissait épancher au versant des montagnes sa neigeuse traînée.

Le Bolide gisait, sa cavité béante regardant le coffret à mes pieds déposé.

XI.

En fermant le pupitre que j’allais emporter, à l’un de ses côtés, je crus voir une tache de sang noir desséché, pareille aux teintes sombres que j’avais remarquées sur la pierre céleste…

Des lambeaux de sa chair fixés sur le Bolide, le sang de l’Indien avait-il pu jaillir jusqu’à cette distance ?…

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