LES PONARBATES.

À peu près au moment où ces révolutions fondaient l’empire Savelce, la ville de Ponarbas, située à l’ouest du continent occidental, commençait à sortir de son obscurité. À l’origine, les Ponarbates n’étaient qu’une des peuplades pauvres et ignorantes de ces contrées qui, sans dogme religieux ou social, organisaient à tâtons leurs sociétés demi-sauvages. Le pays occupé par la tribu des Ponarbates s’étendait sous un climat magnifique, où le sol produisait sans culture toutes les choses nécessaires à la vie. Les besoins matériels, toujours facilement assouvis, s’accrurent dès lors en raison du bien-être déjà réalisé.

Insensiblement, cette avidité pour les jouissances physiques fit naître parmi quelques familles le désir de se concerter et de vivre ensemble pour le travail et l’industrie. Une centaine de familles se réunirent d’abord, et la ville de Ponarbas fut fondée dans une vallée superbe de végétation et de richesse.

Dans le pacte de réunion de ces quelques centaines d’individus, il fut convenu que les enfants, les vieillards et les infirmes sans pour cela être distraits de leur famille, seraient à la charge de la société ; qu’on ne posséderait à aucun titre plus de terre qu’on n’en pourrait cultiver ; en un mot, qu’on ne saurait avoir entre les mains une valeur devenue impossible à gérer ou à faire fructifier par soi-même. On était tenu sur l’honneur et de par la loi de dépenser tout le fruit de son travail et de son industrie.

On ne saurait décrire ce que cette société ainsi établie, dévorée d’activité et insatiable de besoins engendra de luxe et de richesse. Ce fut un spectacle tellement inattendu et un exemple si encourageant pour les voisins des Ponarbates, que les autres tribus chasseresses ou pastorales d’alentour, tous les peuples sages et doux, s’agglomérèrent de proche en proche sur le modèle de la société Ponarbate, à laquelle ils vinrent demander des lois et des ouvriers instructeurs.

La multiplication de ces ruches laborieuses et puissamment consommatrices, alliées pour le travail et pour le commerce, porta l’empire Ponarbate au plus haut degré de richesse sociale et de luxe.

Occupés de choses matérielles, accoutumés à compter sur eux-mêmes, et d’ailleurs confiants dans leur esprit et leurs propres forces, les Ponarbates n’imaginèrent point de dieux. Leurs philosophes ou premiers moralistes attribuent la création ou génération primitive de l’homme à des transformations séculaires des espèces animales, dont quelques individus procréaient accidentellement des genres supérieurs qui formaient souche. Ainsi, l’homme, selon eux, était dérivé du repleu, qui lui-même était dérivé, des milliers de siècles auparavant, du genre animal immédiatement inférieur, et ainsi de suite.

Bien que sans foi religieuse, ce peuple, trouvant dans la splendeur de ses cieux une source d’admiration infinie, institua pour chacun des principaux astres un culte pompeux ; mais ce culte fut simplement le témoignage sincère et naïf de leur admiration, car les Ponarbates ne songèrent jamais à les adorer comme dieux. Au point de vue religieux, prier, adorer, craindre, furent toujours des pensées absentes de leur esprit. Tous, dans cette société, n’étaient-ils pas d’ailleurs la Providence de chacun ? Aussi jamais ils ne surent d’autre culte que celui qui consistait à admirer et à louer leur splendide nature et leur ciel éblouissant.

Les Ponarbates avaient coutume de placer dans leurs temples les produits les plus merveilleux de leur industrie. C’étaient de véritables musées industriels et artistiques, au fronton desquels était gravée cette formule des vertus sociales de ce peuple : Travail et prodigalité.

Ce furent les Ponarbates qui surent les premiers conquérir et apprivoiser l’aimable oiseau bleu aux ailes d’or, le citos, qui, gardien fidèle des demeures de l’homme, s’unit instinctivement et sympathiquement à son maître, et qui a toujours des chants suaves, pour endormir ses douleurs ou exalter ses jouissances. Telle est l’origine de l’attachement familier que les Stariens portèrent depuis à cet oiseau aux formes élégantes et gracieuses et au coloris tendre et charmant.

Si tous les peuples du continent occidental n’adoptèrent point les mœurs et les formes sociales des Ponarbates, tous vinrent souvent chez eux observer les prodiges des arts industriels. Les montagnards mêmes des régions pittoresques arrosées par l’Inrer accouraient toujours à Ponarbas comme à un pèlerinage obligé, et, tribu par tribu, quittaient successivement le sol tourmenté de leur patrie, pour y venir contempler un beau climat, une activité commerciale prodigieuse et, après le travail, une jouissance emportée de tous les biens matériels.

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