XVIII LES CHOSES SUIVENT LEUR COURS

Le docteur Chazey accomplissait la pénible mission d’annoncer aux familles la mort de leurs enfants tués à l’ennemi. Il s’acquittait de ce soin avec beaucoup de tact et n’avait recours que rarement, pour le suppléer, au premier adjoint ou à un conseiller municipal. Il connaissait tous ses administrés sur le bout du doigt, en sa double qualité de médecin et de maire. Il avait vu naître la plupart de ces jeunes gens que la guerre, un à un, ravissait à la commune ; il avait marié leurs parents et quelquefois ensuite apaisé des querelles qui paraissaient rendre inévitable le divorce auquel il était, en principe, hostile. Il y avait peu d’habitants de Bourg qui ne l’eussent arrêté dans la rue au moins dix fois, pour solliciter de son obligeance un conseil ou une ordonnance gratuite. Il était enfin plus que tout autre qualifié pour rayer du monde les enfants qu’il y avait mis. Il les appelait encore par leur petit nom, en venant faire part de leur décès, et cette familiarité était comme le premier pansement appliqué par un camarade sur une blessure vive.

À cinquante reprises déjà, depuis trois ans, il s’était présenté dans la maison qu’il allait désoler en ouvrant la porte, et puis en ouvrant la bouche. Il devait choisir l’heure d’après les occupations et les habitudes des parents. Il calculait comme un meurtrier la force du premier coup ; mais il l’amortissait en le portant. Et d’ailleurs, il pouvait presque dire d’avance comment le coup serait reçu.

Il avait d’abord songé à établir un roulement entre quelques personnes assumant la tâche ingrate de faire le signe de mort. Un porteur unique de mauvaise nouvelle risquait d’avertir tout le monde de sa démarche avant les intéressés. Mais il avait réfléchi que son caractère de médecin était le plus propre, au contraire, à éloigner les soupçons. On le voyait circuler et sonner aux portes du matin au soir. On ne pouvait pas savoir s’il entrait dans les maisons en médecin des vivants ou en médecin des morts ; car il était d’une discrétion farouche, et les parents du soldat trépassé connaissaient toujours leur malheur avant que la rumeur publique le leur eût révélé.

Il les divisait en deux catégories : les familles sans religion auxquelles, après avoir rempli les devoirs de son ministère, il disait simplement :

– Quelle consolation vous offrirais-je, mes pauvres amis ? Vous savez mieux que moi ce que vous perdez… Il vous reste le souvenir… ; mais il est à deux faces ; l’une qui rit dans le passé, l’autre qui pleure…

Il évitait ce patriotisme que Saint-Just appelait un commerce des lèvres. Il ne séchait pas les larmes en déclamant : « Votre fils est mort en héros… » ; mais il disait : « Henri est mort » ou Charles, si c’était Charles, d’un ton tellement pénétré, qu’il aidait le patient à supporter la crise. Il avait une inépuisable provision de morphine pour ce genre de piqûre.

Il était plus à son aise dans les familles chrétiennes ; il entrait mieux dans leur douleur.

– Il n’y a rien pour la calmer, chez le pharmacien d’en face ni chez moi, disait-il. Le remède est là…

Et il leur montrait le clocher de l’église. Il ne récitait pas les dernières prières ; il ne les prescrivait pas non plus : il y faisait penser.

Après chacun de ces sondages, le docteur Chazey ne rapportait pas toujours de l’espèce humaine une opinion favorable ; mais, habitué aux haleines fiévreuses, il s’expliquait son dégoût en attribuant aux désordres de l’estomac les vapeurs du cerveau et les miasmes de l’âme.

– Je crains beaucoup plus la contagion de la médisance que la contagion de la maladie, disait-il, un jour, à Boussuge. Vis-à-vis de la première, pas de prophylaxie qui tienne ! Le dénigrement et la médisance sont les plaies de la plus petite agglomération… et je ne soigne cela, comme maire, qu’accidentellement. Je ne guéris, je ne préserve personne. Le vieux médecin que je suis a eu souvent, dans sa longue carrière, la main heureuse et le diagnostic sûr… Il ne m’est jamais arrivé, que je sache, d’amputer une vipère de sa langue sans qu’elle repousse. La vipère ne meurt jamais des suites de l’opération, elle en vit, au contraire, et communique son venin. Il en est une, imaginez-vous, qui a insinué que je recueillais sous mon toit une réfugiée afin de coucher avec sans avoir à me déranger. L’opinion publique, n’ignorant pas qui je suis et ce que je vaux, aurait dû faire justice d’une pareille imputation, hein ? Pas du tout. Si dix personnes m’ont défendu, cent autres, sans positivement m’accabler, ont souri en pensant qu’il n’y a pas de fumée sans feu. Le cancan est devenu un fait : je suis en ménage avec ma réfugiée ! Et ne croyez pas que j’aurais imposé silence en la congédiant… Quelle erreur ! Le résultat eût été le même… et la lâcheté me fût restée pour compte. Tout cela pour la morsure d’une vipère que je n’ai même pas excitée en mettant le pied dessus. Voulez-vous que je vous dise, mon cher Boussuge ? Un de ces quatre matins, après trente ans de bons et loyaux services, je serai dégommé et la commune, plus tard, ne gardera de moi que le souvenir d’un maire paillard… Le mot vous offusque ? Mettons libertin… qui aura profité de la guerre pour s’ébaudir à peu de frais.

Boussuge protesta sincèrement :

– Laissez donc tout cela. Vous d’habitude si pondéré, d’une mesure si parfaite en tout, voilà que vous exagérez. Les paroles s’envolent ; autant en emporte le vent.

– Oui, reprit le docteur Chazey, les paroles s’envolent… mais les lettres aussi… les lettres anonymes s’entend.

– Que voulez-vous dire ?

– Allons, je vois que vous ne savez pas tout. Ainsi que la vertu pourtant, cette médisance, pour vous inoffensive, a des degrés et la délation en est un, le plus éminent. Quel est le principal véhicule de la délation, en province surtout ? La lettre anonyme.

– Vous en avez reçu ? demanda Boussuge.

– Récemment, non, répondit le docteur, mais le mari de ma réfugiée, son mari mobilisé, a reçu, timbrées d’ici, deux lettres anonymes l’avertissant que sa femme avait des bontés pour moi.

– Est-ce possible !

– Vous allez voir. Le mari a écrit qu’il tirerait plus tard l’affaire au clair… ; en attendant, le meilleur moyen pour sa femme de se disculper, c’était de déguerpir sur-le-champ.

– Où irait-elle ?

– Où elle voudra. S’il n’y avait pas les enfants, elle ne serait pas embarrassée. Ah ! écoutez donc… et réfléchissez. La vie déjà pénible de cet homme est désormais empoisonnée par le soupçon… et je le comprends si bien que j’ai donné moi-même à Mme Louvois le conseil de partir. Mais elle s’y refuse absolument. Elle se trouve bien à la maison pour attendre la fin de la guerre. Elle n’a rien à se reprocher. Elle ne gênerait que moi, à la rigueur, avec ses trois mioches, auxquels l’âge canonique de leur hôte, s’oppose, croyez-moi, à ce qu’il leur donne un frère ou une sœur. Bref, je n’ai, dit-il péremptoirement, aucun motif pour la congédier.

– C’est la vérité.

– L’ingrate vérité ! Que va-t-il arriver ? Un de ces jours, un poilu vêtu de bleu horizon et de crédulité viendra me faire une scène chez moi ou à la mairie… ; et que sa femme le suive ou ne le suive pas, le scandale sera le même. J’aimerais presque mieux subvenir tout de suite aux besoins de Mme Louvois ailleurs qu’ici… C’est alors peut-être que j’aurais le moins de chances de passer pour l’entretenir. Eh bien ! que pensez-vous, cher ami, de ces effets d’une lettre anonyme ? Et celui qui l’a écrite jubile en me croisant dans la rue, soyez-en certain. Je lui serre la main. Il est mon voisin, mon obligé… Il a une bonne figure loyale et le cœur sur la main…

– À quoi attribuez-vous, alors, son acte de malveillance ?…

– À rien. Il n’a aucune raison de me nuire. Il n’est pas mon ennemi. Il fait le mal pour le mal. Je mets un intérêt dans sa vie, qui en était dépourvue. Il s’endort paisiblement en pensant tantôt à moi, tantôt à Mme Louvois et à son mari. Il se dit : « Je voudrais bien savoir quelle tête ils font, tandis que je suis là bien tranquille et riant sous cape… » Il ne rêve pas même plaies et bosses, comme on pourrait le supposer, non ! Il se distrait, ni plus ni moins qu’en lisant le journal ou en faisant la manille au café de l’Univers.

– Il ou Elle finira pas se trahir, présuma Boussuge. Tout porte à croire que c’est une femme.

– Pourquoi, je vous prie ?

– Parce que l’accourue, l’étrangère au pays, est immédiatement, vous le savez bien, une ennemie et qu’en adoptant celle-ci vous avez heurté de front la xénophobie rurale. C’est surtout, à mon sens, ce qu’elle ne vous pardonne pas.

– J’ai recueilli, pour donner l’exemple, la mère dont personne ne voulait, avec sa famille nombreuse. Je ne pouvais pas prévoir que cette guerre aurait une pareille durée. S’il me fallait descendre à chercher la femme, aussi bien, ne serait-elle pas plutôt dans ce nid de réfugiées qu’abrite la Ferme Bourrue ? Plus d’une doit être jalouse de la place qu’a trouvée chez moi Mme Louvois. Mais justement parce que c’est un nid, déjà la coupable aurait été vendue par ses compagnes… et vendue pour un morceau de pain… Non…, la faute est celle d’un isolé… et elle demeurera impunie, mon bon ami, car je ne ferai rien pour découvrir le pécheur.

Une dernière question embarrassait Boussuge ; il la posa :

– L’idée ne vous est pas venue qu’un de vos adversaires politiques…

Le bon docteur se récria :

– Non ! Dussiez-vous me trouver naïf, je ne les mésestime pas encore à ce point-là. Certes, ils m’en ont fait voir de toutes les couleurs, mais je veux les croire incapables d’une pareille bassesse, même à l’instigation de leurs vertueuses épouses.

– Vous allez peut-être un peu loin, dit Boussuge.

– Détrompez-vous, continua le maire. Ces gens-là éructent, pérorent, paradent, et pétaradent… Le chuchotement ne leur convient pas… Nos bons radis ont besoin d’une estrade pour se faire entendre et d’une galerie pour se faire applaudir ; ils ont surtout besoin de s’écouter parler… et la perfidie aime le mystère et les détours. Vous avez été plus que moi l’ami des Chévremont. Les voyez-vous écrivant des lettres anonymes ?

– Non, répondit franchement Boussuge.

Le docteur Chazey, dont les petits yeux gris pétillaient de malice, quand la bonté ne les humectait pas, baissa la voix, regarda autour de lui et, se penchant vers son interlocuteur, poursuivit :

– À qui ouvrirais-je mon cœur, sinon à un homme qui n’est comme vous inféodé à aucun parti ? Apprenez donc que certaines paroissiennes de ma connaissance me sont bien plus suspectes que les femmes de l’autre bord. Les unes et les autres caquettent entre elles, assurément ; mais je dois reconnaître que l’église, loin de mettre une bride aux langues bien pendues, les inciterait plutôt à rattraper dehors le temps passé en oraisons et en recueillement pendant les offices. L’abbé de Choisy rapporte qu’un valet de chambre du cardinal Le Camus avait entendu celui-ci dire dans ses prières : « Mon Dieu, j’ai dompté ma chair… domptez ma langue ! »

Boussuge s’amusa du propos et répliqua, pour n’être pas en reste d’érudition :

– Votre attitude, dans la querelle des radis et des ratis, me rappelle à moi, docteur, un autre personnage, ce pittoresque Chodrus-Duclos, dit l’homme à la longue barbe, qui fut populaire sous Charles X.

– Connais pas.

– Il était royaliste dans l’âme, pauvre comme Job et courageux comme Bayard. Il était prêt à se faire tuer pour ses princes, qu’il avait suivis à Gand, en 1815. Il promenait ordinairement ses haillons au Palais-Royal. Il s’y trouvait en 1830, aux Trois Glorieuses, au milieu d’une bande armée qui tirait sur les Suisses, sans les atteindre. Il emprunta le fusil d’un homme du peuple, visa un Suisse et le descendit ; après quoi il rendit le fusil au maladroit en disant : « Je voulais seulement vous montrer la manière de s’en servir : je ne suis pas de votre parti ! »

– Compris, l’apologue ! fit le docteur Chazey en riant à son tour. Non, malgré les apparences, je ne tire pas sur mes troupes.

– Mais vous appelez l’attention sur leurs points faibles.

– Pour qu’ils les fortifient. Oh ! je sais bien que c’est difficile… De toutes les démangeaisons, la plus insurmontable est celle de parler. La plus édifiante dévotion n’épuise pas le réservoir de pensées et de confidences que chaque femme porte en soi et qu’elle dépense comme elle peut, où elle peut. La religion a beau lui enseigner l’amour du prochain et le pardon des offenses : c’est aimer son prochain, croit-elle, que de dénoncer ses erreurs et sa conduite impie, et s’il est offensé, l’exemple du pardon, qu’elle attend de lui, absout d’avance la pécheresse.

– Je disais bien, s’écria Boussuge : vous êtes un type dans le genre de Chodrus-Duclos, soutien du trône et terrible aux partisans du régime.

Le vieux docteur libéral reprit :

– Au terme d’une longue vie chrétiennement remplie, j’ose le dire, j’ai acquis cette conviction : pas plus que nous n’opérons les bossus, les religions, quelles qu’elles soient, n’opèrent la méchanceté invétérée. Le monde n’a jamais changé et l’on ne corrige pas la nature. Les prêtres ne sont pas plus avancés en morale que nous ne le sommes en médecine ou en chirurgie. Ils ne guérissent pas les tares originelles ; ils n’ont que des palliatifs pour les âmes cardiaques, cancéreuses ou cavitaires.

– Et vous êtes croyant !

– Et je suis croyant, et je mourrai dans la foi de mes parents. Mais l’expérience m’a démontré que les sourciers de Dieu sur la terre n’ont pas le pouvoir de faire jaillir l’innocence et la bonté d’un endroit où elles ne sont pas innées. Ils les découvrent, ils les proclament : ils ne les déterminent pas.

– Et voilà pourquoi vous êtes menacé de la colère d’un imbécile ou d’une brute !

– Oui, voilà pourquoi j’attends tout le mal possible des gens à qui je n’ai fait que du bien. Pardonnez-leur, Seigneur, ils ne savent ce qu’ils font ! Parole magnifique dont la justesse se vérifie chaque jour. L’auteur des lettres anonymes n’a pas calculé les conséquences de sa vilenie et M. Louvois ne saura pas davantage ce qu’il fait en venant me sauter à la gorge.

– Il vous connaît ?

– Non. Le hasard a voulu que je fusse retenu par le conseil général la seule fois qu’il est venu en permission… Et il s’est installé chez moi comme chez lui.

– Il n’ignore donc pas qui vous êtes.

Le docteur Chazey jouait avec son lorgnon.

– Euh !… Il était de son état cultivateur… J’ai demandé à quoi il avait passé son temps et s’il s’était occupé un peu de ses enfants. Sa femme m’a répondu : « Lui ?… À peine si je l’ai vu… Tous les matins, il partait pêcher à la ligne, et comme il y a une bonne lieue d’ici aux étangs de Beaupré, il emportait son déjeuner et ne rentrait que le soir. Il n’emmenait pas les enfants, parce que les enfants « ça n’est bon qu’à effrayer le poisson. »

– Tout cela n’indique pas un sentiment de la famille bien profond.

– Je sais de lui, repartit le maire, un trait encore que Mme Louvois a noté, il lui a dit : « J’espère bien qu’on nous laissera notre bourguignotte… Je mettrai la mienne au poulailler : les poules iront pondre dedans comme si c’était fait exprès. »

– Allons, fit Boussuge, je vais moins trembler pour vous, car votre ennemi ne m’apparaît plus sous les mêmes couleurs sombres qu’au début de l’histoire.

– Enfin, vous me donnez l’espoir d’en réchapper. Alors, je garde cette brave femme. Advienne que pourra ! À propos, j’oubliais de vous demander : quelles nouvelles du fils ? Toujours bien portant ? Le minimum d’inquiétude pour les parents qui ont un fils au front.

– Je vous remercie, répondit Boussuge. Vous ai-je dit qu’il était parti pour Salonique… dans l’aviation ?

– Non. Il a changé d’arme ? Pourquoi ?

Le père eut une légère hésitation, puis, franchissant le mot :

– Au fait, une confidence en provoque une autre. Je peux compter sur votre discrétion comme vous êtes assuré de la mienne. Justin avait noué une petite intrigue… oh ! très pure… avec l’employée de la poste, Mlle Paulin. Naturellement, ma femme et moi, nous n’avons pas encouragé ces amourettes ; c’était bien assez de les avoir fait naître en recevant imprudemment cette jeune fille chez nous, au début de la guerre.

– Oui, je savais, dit le docteur Chazey, et je trouvais cela très bien de votre part, étant donné que cette petite réfugiée est séparée de sa famille.

Boussuge continua :

– Nous n’avons pas été, plus que vous, récompensés de nos soins. Le fils, d’habitude si docile, si soumis, a mal pris nos justes remontrances et, sans nous prévenir, a fait une demande pour passer dans l’aviation. Il n’est pas douteux que Justin n’ait subi une fâcheuse influence. En reculant sa prochaine permission, c’est également nous qu’il prive, sa mère surtout… Il le sait bien.

– Il en prive aussi sa petite amie, fit observer le maire, un sourire au coin de la bouche. Je ne vois pas trop quel intérêt elle aurait eu à lui donner ce mauvais conseil.

– Oh ! ils avaient si peu d’occasions de se rencontrer… Elle s’est vengée de notre opposition à ses projets. Elle espère ainsi nous forcer la main. Elle se trompe. Toujours est-il que nous nous sommes trouvés soudain, sans avertissement, devant le coup de tête accompli. Eh bien ! non seulement nous en avons pris notre parti, mais nous nous en félicitons presque. Oui. La fin de la guerre sera dure en France, de quelque façon qu’elle se termine, n’est-il pas vrai ? On les aura, c’est ma conviction intime… mais à quel prix ! En attendant, nous aimons mieux savoir Justin à l’armée d’Orient qu’en France à l’heure décisive. N’est-ce pas votre avis ?

– Mon Dieu… fit évasivement le docteur, sans achever.

– J’aurais pu, reprit Boussuge, vous prier d’intervenir… (nous y avions pensé) pour faire déplacer cette petite et soustraire ainsi Justin à ses avances quand il vient en permission. Toute réflexion faite, nous avons mieux aimé laisser les choses suivre leur cours. Avons-nous eu tort ?

– Les choses répondront à cette question, mon cher ami, dit le docteur Chazey. Il faut leur faire confiance.

– Ma femme raisonne à cet égard comme vous. C’est d’autant plus curieux qu’elle est superstitieuse et que vous ne l’êtes pas.

– En quoi consiste sa superstition sur ce point ? interrogea le maire.

– Vous ne le savez pas ? Son fils ne court aucun danger sérieux, elle en est persuadée, tant que sera chez nous le petit réfugié dont nous avons la garde. C’est un fétiche, un talisman, le palladium des anciens, un bouclier vivant gage de la conservation de Justin.

– Disons plus simplement : l’hirondelle sous le toit, traduisit le vieillard. Heureux présage, en effet, mon bon ami. La Providence veuille que vous ayez fait là, réellement, un placement de père de famille !

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