XIII Le père et le fils

Le père Guillaume sorti, l’abbé Grégoire et madame Watrin restaient en face l’un de l’autre.

Il va sans dire que l’abbé avait accepté la mission dont le vieux garde chef l’avait chargé en abandonnant le champ de bataille, non pas en homme vaincu, mais en homme qui craint d’employer pour vaincre des armes dont il aurait honte de se servir.

Malheureusement, depuis trente ans que Marianne était sa pénitente, l’abbé Grégoire connaissait bien celle à laquelle il allait avoir affaire ; et, comme le péché dominant de la mère Watrin était l’entêtement, il n’avait pas grand espoir de réussir là où Guillaume avait échoué.

Aussi, malgré son air de confiance, ce fut avec un certain doute intérieur qu’il aborda la question.

– Chère madame Watrin, dit-il en s’approchant de la mère, n’avez-vous donc pas d’autre objection à ce mariage que la différence des religions ?

– Moi ! monsieur l’abbé ? répondit la mère, aucune ! mais il me semble que cela suffit.

– Allons ! allons ! en conscience, mère Watrin, au lieu de dire non, vous devriez dire oui.

– Oh ! monsieur l’abbé, s’écria Marianne en levant les yeux au ciel, c’est vous qui me poussez à donner mon consentement à un pareil mariage ?

– Sans doute, c’est moi.

– Eh bien ! je vous dis que ce serait, au contraire, votre devoir de vous y opposer !

– Mon devoir, chère madame Watrin, est, dans l’étroite voie où je marche, de donner à ceux qui me suivent le plus de bonheur possible ; mon devoir est de consoler les malheureux, et surtout d’aider à être heureux ceux qui peuvent le devenir !

– Ce mariage serait la perte de l’âme de mon enfant : je refuse !

– Voyons, raisonnons, chère madame Watrin, insista l’abbé : Catherine, quoiqu’elle soit protestante, vous a-t-elle toujours aimée et respectée comme une mère ?

– Oh ! sur ce chapitre-là, je n’ai rien à dire… Toujours ! et c’est une justice à lui rendre !

– Elle est douce, bonne, bienfaisante ?

– Elle est tout ça.

– Pieuse, sincère, modeste ?

– Oui.

– Eh bien ! alors, chère madame Watrin, que votre conscience se tranquillise : la religion qui enseigne toutes ces vertus à Catherine ne perdra point l’âme de votre fils.

– Non, non, monsieur l’abbé ; non, ça ne se peut pas ! répéta Marianne s’enfonçant de plus en plus dans son aveugle entêtement.

– Je vous en prie ! dit l’abbé.

– Non !

– Je vous en supplie !

– Non, non, non !

L’abbé leva les yeux au ciel.

– Ô mon Dieu ! mon Dieu ! murmura-t-il, vous si bon, vous si clément, vous si miséricordieux, vous qui n’avez qu’un regard pour juger les hommes, mon Dieu ! vous voyez dans quelle erreur est cette mère, qui donne à son aveuglement le nom de piété ; mon Dieu ! éclairez-la.

Mais la bonne femme continua de faire des signes de dénégation.

En ce moment, le père Guillaume qui, sans doute, avait écouté à la porte, rentra.

– Eh bien ! monsieur l’abbé, demanda-t-il en jetant sur sa femme un regard de travers, est-elle devenue plus raisonnable, la vieille ?

– Madame Watrin réfléchira, je l’espère, répondit l’abbé.

– Ah ! fit Guillaume en secouant la tête et en serrant les poings.

Le geste fut vu de la mère ; mais, dans son impassible entêtement :

– Fais ce que tu voudras, dit-elle ; je sais que tu es le maître ; mais, si tu les maries, ce sera contre mon gré.

– Mille sacrements ! Vous l’entendez monsieur l’abbé ? dit Watrin.

– Patience ! cher monsieur Guillaume, patience ! répondit l’abbé, voyant que le bonhomme s’échauffait.

– De la patience ? s’écria le vieux : mais l’homme qui aurait de la patience en pareille occasion ne serait pas un homme ! Ce serait une brute qui ne vaudrait pas une charge de poudre !

– Bah ! dit l’abbé à demi-voix, elle a bon cœur : soyez tranquille, elle reviendra d’elle-même.

– Oui, vous avez raison, je ne veux plus qu’elle accepte mon opinion comme contrainte et forcée ; je ne veux pas qu’elle joue la mère désolée, la femme martyre… Je lui donne toute la journée pour réfléchir, et si, ce soir, elle ne vient pas d’elle-même me dire : « Vieux ! il faut marier les enfants… »

Guillaume jeta un regard de côté sur sa femme, mais celle-ci secoua la tête ; mouvement qui redoubla l’exaspération du garde chef.

– Si elle ne vient pas me dire cela, continua-t-il, eh bien ! écoutez, monsieur l’abbé, il y a vingt-six ans que nous sommes ensemble… oui, vingt-six ans au 15 juin prochain… eh bien ! monsieur l’abbé, foi d’homme d’honneur ! nous nous séparerons comme si c’était d’hier, et nous finirons le peu de jours qui nous restent à vivre, elle de son côté et moi du mien !

– Que dit-il là ? s’écria la vieille.

– Monsieur Watrin ! dit l’abbé.

– Je dis… je dis la vérité ! entends-tu, femme, entends-tu ?

– Oui, oui, j’entends !… Oh ! malheureuse, malheureuse !

Et la mère Watrin se précipita en sanglotant dans sa cuisine, mais sans faire, si désespérée qu’elle parût être, et qu’elle fût en réalité, un pas dans la voie de la réconciliation.

Restés ensemble, le garde chef et l’abbé se regardèrent.

Ce fut l’abbé qui rompit le premier le silence.

– Mon cher Guillaume, dit-il, voyons, du courage ! et surtout du sang-froid !

– Mais avez-vous vu pareille chose ? s’écria Watrin furieux : l’avez-vous jamais vue ?

– J’ai encore bon espoir, reprit l’abbé, mais évidemment dans le but de consoler le bonhomme plutôt que par conviction ; il faut que les enfants la voient, il faut que les enfants lui parlent.

– Elle ne les verra pas, elle ne leur parlera pas ! Il ne sera pas dit qu’elle aura été bonne par pitié ; non, elle sera bonne pour être bonne, ou je n’ai plus rien à faire avec elle. Que les enfants la voient ? que les enfants lui parlent ? Non, j’en aurais honte ! Je ne veux pas qu’ils sachent qu’ils ont pour mère une pareille sotte.

En ce moment, la tête inquiète de Bernard passa à travers la porte entrebâillée ; Guillaume l’aperçut, et, se tournant vers l’abbé :

– Silence sur la vieille entêtée ! monsieur l’abbé, dit-il, je vous en prie !

Bernard avait remarqué le regard de son père, et le silence dans lequel restait celui-ci ne diminuait pas l’inquiétude du jeune homme.

– Eh bien ! père ? se décida-t-il à demander d’une voix timide.

– Qui t’a appelé ? fit Guillaume.

– Mon père ! murmura Bernard presque suppliant.

Cet accent de son fils pénétra jusqu’au cœur de Watrin ; mais il cuirassa son cœur, et, d’une voix aussi brusque que celle de Bernard était persuasive :

– Je te demande qui t’a appelé ?… réponds-moi ! reprit Watrin.

– Personne, je le sais… mais j’espérais…

– Va-t’en ! tu étais un sot d’espérer.

– Mon père ! mon cher père ! dit Bernard, une bonne parole ! une seule !

– Va-t’en !

– Pour l’amour de Dieu, père !

– Va-t’en, te dis-je ! s’écria le père Guillaume. Il n’y a rien à faire ici pour toi !

Mais la famille Watrin était comme la famille d’Orgon : chacun y avait sa dose d’entêtement. Au lieu de laisser le nuage qui couvrait le front de son père se dissiper, et de revenir plus tard, comme celui-ci le lui conseillait un peu brutalement peut-être, Bernard fit un pas de plus dans la chambre, et, continuant d’insister :

– Père, dit-il d’une voix plus ferme, la mère pleure et ne répond pas ; vous pleurez et vous me chassez…

– Tu te trompes, je ne pleure pas.

– Du calme, Bernard ! du calme ! dit l’abbé ; tout peut changer.

Mais, au lieu de répondre à la voix de l’abbé, Bernard répondit à la voix du désespoir, qui commençait à gronder en lui.

– Oh ! malheureux ! murmura-t-il, croyant que sa mère consentait au mariage, et que c’était son père qui s’y opposait, malheureux que je suis ! Vingt-cinq ans d’amour pour mon père, et mon père ne m’aime pas !

– Malheureux !… oui, malheureux que tu es, s’écria l’abbé, car tu blasphèmes !

– Mais vous voyez bien que le père ne m’aime pas, monsieur l’abbé, dit Bernard, puisqu’il me refuse la seule chose qui puisse faire mon bonheur.

– Vous l’entendez ?… s’écria Guillaume s’emportant de sa vieille colère plus encore que d’une colère nouvelle ; voilà comment ça juge ! Oh ! jeunesse ! jeunesse !

– Mais, continua Bernard, il ne sera pas dit que, pour obéir à un incroyable caprice, j’abandonnerai la pauvre fille ; si elle n’a ici qu’un ami, du moins cet ami lui tiendra lieu de tous les autres.

– Oh ! je t’ai déjà dit trois fois de t’en aller, Bernard ! s’écria Guillaume.

– Je m’en vais, dit le jeune homme ; mais j’ai vingt-cinq ans, vingt-cinq ans passés ; je suis libre de mes actions, et, ce qu’on me refuse si cruellement, eh bien ! la loi me donne le droit de le prendre, et je le prendrai !

– La loi ! s’écria le père Guillaume exaspéré ; je crois, Dieu me pardonne, qu’un fils a dit : La loi ! devant son père !

– Est-ce ma faute ?

– La loi !…

– Vous me poussez à bout !

– La loi !… Hors d’ici !… La loi, à ton père ! Hors d’ici, malheureux, et ne reparais jamais devant mes yeux !… La loi !…

– Mon père, dit Bernard, je m’en vais, puisque vous me chassez ; mais souvenez-vous de cette heure où vous avez dit à votre fils : « Enfant, sors de ma maison ! » et que tout ce qui arrivera retombe sur vous !

Et Bernard, prenant son fusil, s’élança hors de la maison comme un insensé.

Le père Guillaume fut prêt à sauter sur le sien.

L’abbé l’arrêta.

– Que faites-vous, monsieur l’abbé ? s’écria le vieux. N’avez-vous pas entendu ce que vient de dire ce misérable ?

– Père ! père ! murmura l’abbé, tu as été trop dur pour ton fils !

– Trop dur ! s’écria Guillaume : vous aussi ? Est-ce moi qui ai été trop dur, ou la mère ? Vous et Dieu le savez ! Trop dur ! quand j’avais des larmes plein les yeux en lui parlant ; car je l’aime ou plutôt je l’aimais comme on aime un enfant unique… Mais, maintenant, continua le vieux garde d’une voix étouffée, qu’il aille où il voudra, pourvu qu’il s’en aille ! qu’il devienne ce qu’il pourra, pourvu que je ne le revoie plus !

– L’injustice engendre l’injustice, Guillaume ! dit solennellement l’abbé. Prenez garde, après avoir été dur dans la colère, d’être injuste à cœur reposé… Dieu vous a déjà pardonné la colère et l’emportement : il ne vous pardonnerait pas l’injustice !

L’abbé achevait à peine, que Catherine à son tour entra pâle et effarée dans la salle. Ses grands yeux bleus étaient fixes, et il en tombait de grosses larmes qui, pareilles à des perles, roulaient sur ses joues.

– Ô cher père ! dit-elle regardant avec effroi le visage triste de l’abbé et la physionomie sombre du garde chef ; qu’y a-t-il donc, et que s’est-il passé ?

– Bon ! voilà l’autre, maintenant ! murmura Guillaume en tirant sa pipe de sa bouche, et en la remettant dans sa poche, ce qui était chez lui un signe de suprême émotion.

– Bernard m’a embrassée trois fois en pleurant, continua Catherine ; il a pris son chapeau, son couteau de chasse, et il est parti courant comme un fou.

L’abbé se retourna et épongea ses yeux humides avec son mouchoir.

– Bernard… Bernard est un malheureux ! répondit Guillaume, et toi… toi…

Sans doute allait-il confondre Catherine dans la malédiction, mais son regard irrité rencontra le regard doux et suppliant de la jeune fille, et ce qui restait en lui de colère fondit comme la neige sous un rayon de soleil d’avril.

– Et toi… toi… murmura-t-il en s’attendrissant, toi, Catherine, tu es une bonne fille ! Embrasse-moi, mon enfant.

Puis, repoussant doucement sa nièce, et se tournant vers l’abbé :

– Monsieur Grégoire, dit-il, c’est vrai, j’ai été dur ; mais, vous le savez, c’est la faute de la mère… Allez et tâchez d’arranger ça avec elle… Quant à moi… quant à moi, je vas faire un tour dans la forêt. J’ai toujours remarqué que l’ombre et la solitude sont pleines de bons conseils.

Et, donnant une poignée de main à l’abbé, mais sans oser regarder du côté de Catherine, il sortit de la maison, traversa diagonalement la route, et alla s’enfoncer dans la futaie en face.

L’abbé, pour éviter une explication, eût bien voulu en faire autant, et il s’acheminait vers la cuisine, endroit où il était à peu près sûr de retrouver la mère Watrin, si désespérée qu’elle fût ; mais Catherine l’arrêta.

– Au nom du ciel ! monsieur l’abbé, ayez pitié de moi, dit-elle, et racontez-moi ce qui s’est passé ici.

– Mon enfant, répondit le digne vicaire prenant les deux mains de la jeune fille, vous êtes si bonne, si pieuse, si dévouée, que vous ne pouvez avoir que des amis ici-bas et au ciel. Demeurez donc en espérance, n’accusez personne, et laissez à la bonté de Dieu, aux prières des anges, et à l’amour de vos parents, le soin d’arranger les choses.

– Mais moi, moi, qu’ai-je à faire ? demanda Catherine.

– Priez pour qu’un père et un fils qui se sont quittés dans la colère et les larmes se retrouvent dans le pardon et dans la joie !

Et, laissant Catherine un peu plus calme, sinon plus rassurée, il entra dans la cuisine, où la mère Watrin, tout en secouant la tête, en répétant non ! non ! non ! et en pleurant, dépouillait ses lapereaux et pétrissait sa pâte.

Catherine regarda s’éloigner l’abbé Grégoire comme elle avait regardé s’éloigner son père adoptif, et ne comprenant pas plus la recommandation de l’un que le silence de l’autre.

– Mon Dieu ! mon Dieu ! se demanda-t-elle tout haut, quelqu’un ne me dira-t-il pas ce qui se passe ici ?

– Si fait, moi ; avec votre permission, mademoiselle Catherine, dit Mathieu apparaissant, accoudé à l’appui de la fenêtre.

Cette apparition de Mathieu fut presque une joie pour la pauvre Catherine. Venant en quelque sorte au nom de Bernard, et pour lui donner des nouvelles de Bernard, de hideux qu’il était, le vagabond ne lui sembla plus que laid.

– Oh ! oui, oui, s’écria la jeune fille, dis-moi où est Bernard et pourquoi il est parti.

– Bernard ?

– Oui, oui, mon cher Mathieu, dis, dis ! Je t’écoute.

– Eh bien ! il est parti… eh ! eh !

Mathieu se mit à rire de son gros rire, pendant que Catherine tendait vers lui l’oreille avec anxiété.

– Il est parti, reprit le vagabond, dame !… faut-il vous le dire ?

– Oui, puisque je t’en prie.

– Eh bien ! il est parti parce que monsieur Watrin l’a chassé.

– Chassé ! le père a chassé le fils ! Et pourquoi ?

– Pourquoi ? parce qu’il voulait vous épouser malgré tout le monde, l’enragé !

– Chassé ! chassé à cause de moi ! chassé de la maison de son père !

– Oui… Oh ! je crois bien ! il y a eu des gros mots ! Voyez-vous, moi j’étais dans le fournil ; j’ai tout entendu. Oh ! sans écouter ! Je n’écoutais pas, non ; mais ils criaient si haut que j’ai bien été forcé d’entendre… Il y a même eu un moment, quand monsieur Bernard a dit au père Guillaume : « C’est sur vous que retomberont les malheurs qui vont arriver ! » il y a même eu un moment où j’ai cru que le vieux allait sauter sur son fusil… Oh ! ça se serait mal passé ! C’est que le père Guillaume, ce n’est pas comme moi, qui ne puis pas mettre une balle dans une porte cochère à vingt-cinq pas !

– Oh ! mon Dieu ! mon Dieu ! pauvre cher Bernard !

– Ah ! oui, n’est-ce pas, ce qu’il a risqué pour vous, ça vaut bien que vous le revoyiez encore une fois, dites, quand ce ne serait que pour l’empêcher de faire quelque sottise ?

– Oh ! oui, oui, le revoir ! je ne demande pas mieux ; mais comment ?

– Il vous attendra ce soir…

– Il m’attendra ?

– Oui, voilà ce que je suis chargé de vous dire.

– Par qui ?

– Par qui ?… par lui, donc !

– Et où cela m’attendra-t-il ?

– À la fontaine du Prince.

– À quelle heure ?

– À neuf heures.

– J’y serai, Mathieu, j’y serai !

– N’y manquez pas, au moins ?

– Je n’ai garde !

– Ça retomberait encore sur moi… c’est qu’il n’est pas tendre, le citoyen Bernard ! ce matin, il m’a envoyé un soufflet, que la joue m’en cuit encore ! mais je suis bon garçon, moi, je n’ai pas de rancune.

– Sois tranquille, mon bon Mathieu, dit Catherine en remontant à sa chambre ; oh ! Dieu te récompensera !

– Je l’espère bien, dit Mathieu en la suivant des yeux jusqu’au moment où la porte se fut refermée sur elle.

Puis alors, avec un sourire de démon qui voit une pauvre âme innocente donner dans son piège, il se retourna du côté de la forêt, dans laquelle il entra à grands pas, tout en faisant des signes.

À ces signes, un cavalier qui se tenait à quelque distance accourut.

– Eh bien ? demanda-t-il à Mathieu en arrêtant court son cheval en face du vagabond.

– Eh bien ! tout va à merveille, l’autre a tant fait de sottises, qu’il paraît qu’on en a assez comme ça ; et puis, on regrette Paris.

– Que dois-je faire ?

– Ce que vous devez faire ?

– Oui.

– Le ferez-vous ?

– Sans doute.

– Eh bien ! courez à Villers-Cotterêts, bourrez vos poches d’argent… À huit heures à la fête de Corcy, et à neuf heures…

– À neuf heures ?

– Eh bien ! quelqu’un qui n’a pas pu vous parler ce matin, quelqu’un qui n’est pas revenu par Gondreville, uniquement de peur du scandale, ce quelqu’un-là vous attendra à la fontaine du Prince.

– Mais elle consent donc à partir avec moi ? s’écria le Parisien tout joyeux.

– Elle consent à tout ! dit le vagabond.

– Mathieu, reprit le jeune homme, il y a vingt-cinq louis pour toi si tu ne m’as pas menti !… À ce soir, neuf heures !

Et, enfonçant ses éperons dans le ventre de son cheval, il s’éloigna au galop dans la direction de Villers-Cotterêts.

– Vingt-cinq louis ? murmura Mathieu en le regardant fuir à travers les arbres, c’est un joli denier, sans compter la vengeance !… Ah ! je suis une chouette ! ah ! la chouette est un oiseau de mauvais augure !… Monsieur Bernard, la chouette vous dit bonsoir !

Et, rapprochant ses deux mains de la bouche, il fit entendre deux fois le cri de la chouette.

– Bonsoir, monsieur Bernard !

Et il s’enfonça au plus épais de la futaie, dans la direction du village de Corcy.

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