II

– À qui écris-tu ? – avait questionné madame Dax, entrant à l’improviste dans la chambre de sa fille, la chambre faux Louis XV, que mademoiselle Dax trouvait à présent moins belle qu’autrefois.

– À l’abbé Buire.

Mademoiselle Dax avait montré du doigt l’enveloppe préparée d’avance. Puis, parlant les yeux baissés :

– Je n’ai plus de timbres…

– Tu entreras dans le bureau de la rue Duguesclin pour en acheter.

Ainsi fut fait, une heure plus tard, quand madame et mademoiselle Dax, toujours de compagnie, sortirent pour aller au magasin des Deux Passages, rassortir du taffetas.

Madame Dax, devant le bureau de poste mal odorant recula :

– Entre seule et dépêche-toi.

Mademoiselle Dax entra et attendit que le battant à ressort eut claqué derrière elle. Alors elle marcha résolument vers le guichet N° 3, étiqueté Poste Restante.

– Y a-t-il une lettre pour A M D G ?

La voix résonnait plus enrouée qu’en plein rhume d’hiver, et le visage penché sur le guichet prenait des teintes de cerise trop mûre.

– Pour A M… quoi ? – grogna la demoiselle de la poste, instinctivement insolente devant cette jeune fille plus jolie qu’elle-même et qui la priait.

– A, M, D, G…

Dix secondes interminables se traînèrent. La demoiselle de la poste feuilletait le paquet assez gros qu’elle était allée, d’un pas nonchalant, quérir au fond d’un casier. Et, ce faisant, elle échangeait avec sa voisine, la demoiselle du télégraphe, des regards d’ironie intense. À la fin, mademoiselle Dax, qui trépignait en silence, reçut une longue enveloppe bleutée, cachetée de noir.

– Voilà ! – daigna dire la demoiselle de la poste.

Et mademoiselle Dax eut le temps de cacher l’enveloppe dans son corsage, avant que la porte du bureau se fût ouverte devant madame Dax, impatiente d’attendre si longtemps sur le seuil.

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