VI

À travers bois, foulant la terre humide et la mousse fraîche, Fougères s’en revient vers la grande porte du parc.

Il songe :

– Le sort en est jeté !… Au bout de cette route-ci, j’aperçois une mairie, puis une église. Bah ! tôt ou tard, il fallait arriver à ces bâtisses matrimoniales… Carmen avait raison… Résignons-nous !…

Il marche d’un pas un peu nerveux. L’allée maintenant côtoie un beau lac parsemé d’îles touffues. Les dernières lueurs du crépuscule jettent sur ces verdures d’automne des reflets de cuivre, d’étain et de fer rouillé. Sur l’eau flottent des cygnes noirs…

– Adieu la liberté, la fantaisie, le caprice !… Adieu la joie de vivre en oiseau, et de changer chaque soir de nid et de branche !… Je vais être un mari, un mari casanier, routinier, pédagogue !… Pédagogue : j’enseignerai mon épouse, je lui apprendrai à ne point trop s’extasier devant les merveilles du jardinage en mosaïque…

Il s’interrompt. Il regarde le lac et ses berges, et la chevauchée sombre des nuages dans le ciel orageux.

–… À ne point trop s’extasier devant les sottises et les niaiseries et à davantage admirer ce qui est vraiment beau !… Peut-être ne sera-ce pas une éducation très facile… ni très amusante…

Il est arrivé à la grille monumentale. Devant lui, une promeneuse solitaire, qu’il n’avait pas remarquée, sort nonchalamment. Il la dépasse.

Elle est jolie. Il la regarde. Elle sourit. Il la suit, d’instinct…

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