III

M. Barrier ne vint pas dîner avenue de Noailles ce soir-là ni le lendemain. Mais le troisième jour, M. Dax l’amena déjeuner, par une dérogation sensationnelle aux us et coutumes. Ils entrèrent bras dessus bras dessous : tout était arrangé.

On avait « partagé la différence » : M. Barrier se contentait de deux cent mille francs payés comptant, et, pour le surplus, d’une reconnaissance de commandite. M. Dax, de son côté, consentait à servir l’intérêt de cette commandite au taux de cinq et demi.

Une heure durant, des hors-d’œuvre au dessert, ils ne parlèrent point d’autre chose, s’appesantissant à l’envi sur chacune des clauses de cette mirifique convention. Tous deux faisaient d’ailleurs grand étalage de leur bonne volonté réciproque, en même temps que d’une cordialité toute neuve et, cette fois, définitive. Au fond, ils s’estimaient réciproquement de s’être tenu tête et ne songeaient pas une seconde à se garder rancune des quelques mots vifs qu’ils s’étaient, trois jours plus tôt, jetés à la tête.

Comme on pelait les poires, M. Dax, tout à coup, lança, comme un bouquet d’artifice, la surprise qu’il gardait en réserve : libéral et généreux, il fixait la date du mariage :

– À quoi bon tergiverser, puisque nous sommes d’accord sur tous les points ? Le 15 novembre tombe un mardi. C’est un jour très pratique !

– Va pour le 15 novembre, – accepta le docteur Barrier.

Et tout de suite, soucieux de n’être pas en reste de grandeur d’âme :

– En attendant, rien ne nous empêche plus de faire une petite partie tous ensemble. Avant que les mauvais temps n’arrivent, je veux vous montrer ma campagne de garçon à Écully. J’ai quelques bonnes bouteilles dans la cave… Tenez : voulez-vous dimanche ? Nous partirons vers les onze heures, nous déjeunerons là-haut, chez moi, et nous serons rentrés avenue du Parc pour le dîner. Un peu de plein air, ça rappellera à ces dames et à Bernard ce diable de Saint-Cergues où je n’ai jamais eu le temps d’aller… C’est dit ?

– C’est dit, promit M. Dax.

On pliait les serviettes. Il y eut un petit silence. Madame Dax calculait qu’un landau suffirait pour la promenade d’Écully… « Oui, mais à condition de mettre encore et toujours Bernard sur le siège !… » M. Barrier guignait la pendule, – une… cliente… très blonde… lui ayant donné rendez-vous, pour deux heures et quart, dans l’arrière-salle d’un café de Bellecour…

Mademoiselle Dax, elle, considérait, avec l’attention la plus soutenue, quatre miettes de pain oubliées sur la nappe.

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