VIII L’évasion

Presque tous les jours, lorsque le soleil disparaissait derrière les Apennins, Alma sortait du fort et faisait une promenade à pied pendant une heure environ.

Le plus souvent, Mercedès ou Marina l’accompagnait ; mais lorsqu’elle ne devait point dépasser le chemin de ronde tracé le long des boulevards extérieurs, elle sortait seule.

Depuis l’emprisonnement de Mario, Alma n’avait point quitté sa chambre ; elle n’éprouvait plus aucun désir !…

Cependant, le séjour du château lui paraissait si triste, depuis qu’elle savait que l’on y retenait Mario prisonnier, que vers la fin du second jour elle descendit dans le préau et sortit seule du fort.

C’est Dieu sans doute qui lui avait inspiré cette pensée ; car elle avait à peine fait une centaine de pas sous les arbres du chemin de ronde, qu’une femme passa comme une ombre entre les buissons des bas-côtés de la route, et vint directement à elle.

C’était la Lucrezia Mammone !

— Oh ! je suis bien heureuse de vous revoir ! s’écria la Lucrezia en l’apercevant ; voilà deux jours que je vous cherche, deux jours que je passe à errer autour du château, dans l’espoir de vous rencontrer.

— Qu’y a-t-il donc ? demanda vivement Alma.

— Il y a, répondit la Lucrezia, que si mon cœur ne me trompe, un grand danger vous menace…

— Moi ?… fit Alma en secouant tristement la tête ; c’est Mario que vous voulez dire, sans doute ?

— Je sais que Mario est prisonnier, répliqua Lucrezia ; mais ce n’est pas de lui qu’il s’agit en ce moment… Régina !…

— Est-ce qu’il lui serait arrivé malheur ?

— Oh ! non ! répondit la Lucrezia ; mais Régina n’est pas ce que vous pensez !…

— Expliquez-vous !…

— Et bien ! mon enfant, Régina, votre cousine, celle que vous aimez, et que vous avez pris l’habitude d’appeler votre sœur, n’est autre que ce brigand fantastique qui épouvante le pays du retentissement de ses crimes !…

— Bel Demonio !… balbutia Alma en pâlissant.

— Lui-même !

— C’est impossible !

— C’est vrai !…

— Oh ! mais comment le savez-vous ? car ma tête s’y perd !

— Écoutez… Dernièrement, en revenant de la montagne, j’ai rencontré douze cavaliers vêtus de blanc… À leur tête s’avançait un jeune homme masqué qui paraissait être leur chef : c’étaient Bel Demonio et son escorte. Tout à coup, le cheval de ce dernier se cabra : il saisit le manche de son poignard et frappa rudement la tête de l’animal… Dans cette espèce de lutte, un des cordons de son masque se détacha… La lune éclaira en plein son visage, et je reconnus Régina…

Alma joignit les mains, et, secouant mélancoliquement la tête :

— Oh ! je l’aimais tant !… murmura-telle d’une voix émue.

— Et moi, dit Lucrezia, moi aussi je l’aimais ; mais pas autant que vous, pauvre enfant.

Elle lui prit les mains et les lui serra avec effusion.

— Mais ce n’est pas tout, poursuivit-elle, je l’ai revue un soir à Spolette, sous le nom de la comtesse Orsini. Elle sortait du théâtre ; Mario l’attendait… Il monta dans sa litière, et ils revinrent ensemble à la montagne. Voilà ce que j’avais à vous dire. Et maintenant, croyez-moi, il ne faut plus que vous aimiez Mario.

— Mario l’aime donc ? dit Alma devenue pensive.

— Peut-être, répondit la Lucrezia ; en tout cas, elle aime Mario… et c’est là le plus grand danger qui puisse vous menacer, car cette Régina ne connaît point d’obstacle, voyez-vous !… Elle briserait tout pour satisfaire sa volonté… et si vous deveniez un obstacle pour elle, elle vous ferait tuer, n’en doutez pas, pour arriver à son but.

— Me faire tuer ! s’écria Alma interdite.

— N’oubliez pas que Régina, c’est Bel Demonio…

— Oh ! mon Dieu ! fit Alma, ce que j’entends n’est-il pas un rêve, et ne vais-je pas bientôt me réveiller ?…

— Promettez-moi une chose, reprit bientôt après la Lucrezia.

— Laquelle ? demanda la jeune fille.

— Promettez-moi de ne plus aimer Mario.

— Ne plus l’aimer, moi !

— Faites au moins qu’il ne vous aime plus.

— J’essayerai.

— Songez qu’il y va de votre vie.

— Dites de mon bonheur, plutôt, répondit Alma en cachant sa tête dans ses mains.

La nuit commençait à tomber ; une patrouille parut au bout du chemin de ronde.

— Adieu ! dit Lucrezia en embrassant les mains d’Alma, et n’oubliez pas ce que je viens de vous dire.

— Ne vous reverrai-je donc plus ?

— Vous me reverrez bientôt, s’il plaît à Dieu… mais voici la ronde, et il ne faut pas que l’on me voie avec vous : à bientôt !

— À bientôt ! répondit tristement Alma.

La Lucrezia se glissa entre les arbres et disparut.

Ces confidences avaient produit une vive impression sur Alma.

Elle rentra au château triste, pensive, soucieuse. Les désillusions de la vie commençaient de bien bonne heure pour elle.

D’ailleurs, malgré les révélations de la Lucrezia, elle ne pouvait ainsi arracher de son cœur son affection pour Régina. Les amitiés d’enfance s’effacent si difficilement ! Et Mario ! comment croire qu’il l’avait trompée jusque-là ? comment renoncer à l’espoir que son amour avait mis en son cœur.

C’était impossible.

Elle monta à sa chambre et s’y enferma.

À peine avait-elle poussé le verrou qu’elle entendit frapper à la porte.

Elle écouta ; on pleurait : c’était Marina.

— Que me voulez-vous ? dit Alma.

— Oh ! mademoiselle, par pitié… ouvrez-moi ! s’écria Marina d’un ton suppliant.

Alma lui fit observer qu’elle n’avait pas besoin de sa présence, et qu’elle désirait être seule ; mais Marina insista avec tant de larmes et de sanglots, qu’elle ne se sentit pas la force de la repousser davantage.

Elle ouvrit.

Marina était affreusement pâle ; ses cheveux tombaient en désordre le long de ses joues, ses regards avaient une fixité étrange. Dès que la porte fut ouverte, elle se précipita aux genoux d’Alma.

— Oh ! mademoiselle, s’écria-t-elle en pleurant et en embrassant les genoux de la jeune fille, mademoiselle, pardonnez-moi !…

— Qu’y a-t-il donc ? fit Alma toute surprise.

— Il y a, répondit Marina, que je ne puis plus vivre ainsi, et qu’il faut que je meure, si vous ne me pardonnez pas.

— Et que te pardonnerais-je ?

— Oh ! je m’étais bien promis de garder le secret cependant, mais c’est ma langue, ma maudite langue qui a causé tous mes malheurs.

— Explique-toi !…

— Eh bien ! reprit Marina après un moment de silence, l’autre jour j’ai parlé ; vous m’aviez recommandé de ne point dire la visite de votre cousin Mario, et je l’ai racontée : c’est moi, j’en suis sûre, c’est moi qui ai donné l’éveil à la garde du château !…

— Malheureuse enfant ! dit Alma en s’éloignant instinctivement.

— Oh ! laissez-moi mourir, poursuivit Marina, mais ne m’accablez pas de reproches !

La pauvre enfant sanglotait de si bon cœur qu’Alma ne put tenir plus longtemps contre un désespoir aussi sincère.

— Relève-toi, lui dit-elle avec affection, relève-toi et ne pleure pas ainsi ; d’ailleurs le mal est fait maintenant, et ton désespoir, quelque grand qu’il fût, ne pourrait pas le réparer !… Je te pardonne.

— Oh ! merci ! s’écria Marina, merci !… mais je ne veux accepter votre pardon que lorsque j’aurai sauvé votre cousin Mario.

— Le sauver ? répéta lentement Alma.

Et une pensée amère pesa un moment sur son cœur.

— Le sauver ! se dit-elle, pour le rendre à l’amour de Régina !… Oh ! jamais !

Mais cette pensée ne pouvait être qu’un fugitif éclair dans son cœur si bon et si dévoué.

— Eh bien ! soit, reprit-elle presque aussitôt, soit, je le sauverai, je le rendrai à Régina… Et moi, moi, je me sacrifierai… j’épouserai le marquis de Santa-Fiore.

Son cœur déborda ; elle fondit en larmes. Marina, désespérée, cherchait à l’apaiser en lui répétant sans cesse :

— Je le sauverai, je vous assure que je le sauverai !

— Mais quel moyen encore ? murmura la pauvre Alma.

— Oh ! ne vous en inquiétez pas !

— Mais enfin ?…

— Je vais vous le dire, répondit Marina avec un embarras visible. Mademoiselle doit savoir d’abord que le caporal Mustaccio est amoureux de moi… que pour moi il se ferait pendre… et qu’en lui disant un mot je l’enverrais au bout du monde… Eh bien ! si mademoiselle y consent, je puis d’ici à après-demain soir prendre des mesures pour faire échapper le cousin de mademoiselle.

— Dieu m’éprouve cruellement ! pensa la triste Alma.

Elle étouffa un soupir, essuya les dernières traces de ses larmes, et tournant vers Marina un visage calme et presque souriant :

— C’est bien, dit-elle, nous le sauverons !

— Oh ! quel bonheur ! s’écria Marina en sautant de joie.

— Mais cette fois, objecta Alma, défie-toi de ta langue.

— Oh ! je jure que je la couperais si elle me trahissait encore, répondit la soubrette d’un petit air de triomphe qui fit un instant rayonner son charmant visage.

Puis elle monta à sa petite chambre et fit une ravissante toilette de paysanne italienne.

Le soir, en se couchant, elle dit à Alma :

— Tout va bien, mademoiselle, le caporal Mustaccio a complétement perdu la tête. Il ne dormira pas de la nuit. Je lui ai dit que je ne le trouvais pas aussi laid qu’à l’ordinaire.

Marina comptait voir le caporal dès le lendemain et l’amener à trahir ses devoirs ; mais le sort se plut ce jour-là à protéger Mustaccio, qui fut continuellement de service à l’extérieur du fort pendant plusieurs jours.

La pauvre Marina se désespérait de ce contretemps, et Alma ne dissimulait plus ses inquiétudes.

D’ailleurs, Ercole commençait à se guérir, et il était à craindre qu’une fois rétabli, il ne voulût se donner le plaisir d’une atroce vengeance en faisant massacrer le fils de son ennemi mortel.

Pendant ce temps, le marquis de Santa-Fiore vint deux fois visiter son futur beau-père et arrêter les préliminaires de l’alliance qu’il allait contracter.

Le jour des fiançailles fut fixé au dimanche suivant. Ercole devait revenir à sa résidence de Spolette, où la fête aurait lieu. Une parente du marquis viendrait faire les honneurs du palais, car il était encore impossible au vieux prince de paraître en public.

Il ne restait plus que deux jours avant le départ.

Alma ne dormait plus, et Marina recommençait à pleurer, lorsque, enfin, le caporal Mustaccio, qui ne se doutait certainement pas de l’intérêt que l’on prenait à sa personne, vint mettre fin à cette anxiété en revenant au fort.

Marina dressa de nouveau ses batteries, et elle commença par faire croire au pauvre Mustaccio que les larmes dont on voyait encore les traces sur son visage n’avaient d’autre cause que son absence prolongée.

Il n’en fallait pas davantage pour faire perdre la tête à Mustaccio.

Heureux de l’intérêt que lui portait la jolie soubrette, il s’empressa de lui apprendre que désormais il ne quitterait pas le château, car le seigneur Capitan, dont il avait la confiance, venait de lui remettre la garde du prisonnier.

Marina sauta de joie à cette nouvelle et permit au caporal de prendre un baiser sur sa joue.

Une explication s’ensuivit, et comme le caporal entreprenant pressait vivement la jeune fille, celle-ci promit sa main sous condition. Il est inutile de dire laquelle ; et le lecteur peut nous croire quand nous lui affirmerons que Marina payait fort cher la liberté de Mario.

— Ah ! mademoiselle, dit-elle avec un soupir quand elle revit Alma, quand je pense que je vais devenir la femme d’un Mustaccio !

— La vie n’est que sacrifices, dit Alma tristement.

La soubrette fit une laide grimace ; mais elle avait promis de sauver Mario, et elle voulait tenir sa promesse, quoi qu’il dût lui en coûter !…

Le lendemain matin. Marina descendit un moment, et remonta aussitôt.

— Mustaccio a plus d’imagination que je ne croyais, dit-elle. Il a combiné son plan ; ce soir il nous remettra un vieil uniforme de soldat et nous conduira au cachot du prisonnier. Aussitôt que le cousin de mademoiselle aura mis le manteau et le casque, Mustaccio fera une patrouille à l’extérieur et mettra M. Mario en faction sur le bastion, vis-à-vis des fenêtres de mademoiselle, afin qu’elle puisse le voir partir.

— Chère enfant, dit Alma, tu as bien réparé ta faute !

— Oui, répondit Marina ; mais je voudrais bien ne pas être la femme du caporal.

Le soir venu, Marina apporta le paquet et la clef du cachot. Elle s’était en même temps pourvue d’une lanterne sourde.

Les deux jeunes filles attendirent que tout le monde fût couché dans le fort, et quand onze heures sonnèrent, elles se disposèrent à partir.

Marina prit la lampe, ouvrit doucement la porte et marcha la première, montrant le chemin à sa maîtresse.

Toutes deux étaient profondément émues et marchaient sur la pointe du pied.

Elles descendirent l’escalier de la tourelle.

Arrivée au rez-de-chaussée, Marina ouvrit une porte basse et descendit quatre marches.

Elles traversèrent une sorte de corridor humide au bout duquel elles aperçurent, à la lueur d’une lampe accrochée au mur, Mustaccio qui charmait les ennuis de sa faction en causant avec une bouteille de liqueur des Îles qu’il avait rencontrée à l’office.

Mustaccio cacha sa bouteille, et saluant militairement :

— Hâtez-vous, mademoiselle, dit-il à Alma, vous n’avez pas de temps à perdre, car dans un quart d’heure la patrouille doit faire sa ronde.

Il tira en même temps le verrou et ouvrit la porte du cachot. Alma prit la lanterne des mains de Marina, que le caporal retenait par la manche, et entra.

Depuis qu’il avait été jeté dans ce cachot, Mario n’avait pas éprouvé un seul moment de crainte. La vie, sans l’espoir d’obtenir un jour Alma, lui paraissait une triste perspective, et la mort lui semblait encore préférable à une existence passée à regretter éternellement un amour perdu ! En outre, Mario savait qu’il se trouvait sous le même toit que la fille d’Ercole ; Alma lui avait dit qu’elle l’aimait ; il espérait bien que la jeune fille trouverait dans son amour, ou du moins dans le souvenir de leur amitié, assez de courage pour tenter de le sauver.

Quand Alma entra, Mario dormait donc profondément, et il rêvait que sa belle cousine lui jetait encore son mouchoir comme un talisman contre les dangers à venir.

Au bruit que fit la porte en s’ouvrant, il s’éveilla en sursaut, et se trouva en face de la jeune fille.

— Est-ce un rêve ? s’écria-t-il en passant rapidement sa main sur son front ; vous, Alma, vous ici !…

— C’est bien moi, Mario, répondit Alma d’un ton triste, moi qui viens vous rendre la liberté.

— La liberté ! fit Mario ; est-ce possible ?

— J’étais la cause… innocente de votre captivité, j’ai voulu réparer le mal que j’avais causé malgré moi, et vous rendre à ceux qui vous aiment… et que vous aimez.

Elle prononça ces derniers mots avec une sorte d’amertume que Mario ne saisit point d’abord.

— Oh ! vous êtes un ange, Alma ! s’écria-t-il.

— Hâtez-vous, mon cousin, reprit Alma ; jetez ce manteau sur vos épaules et posez ce casque sur votre tête ; l’homme qui doit vous conduire hors d’ici vous attend.

— Mon Dieu ! n’aurais-je pas même le temps, chère Alma, de vous dire combien je vous suis reconnaissant, combien je vous aime ?

— Ne parlons plus de cela, cousin Mario… Le temps presse ; vous ne voudriez pas que je fusse victime de ma démarche ?

— Oh ! non, dit Mario en jetant le manteau sur ses épaules.

Au même moment Marina frappait à la porte.

— Vous entendez ? dit Alma.

— Je suis prêt, répondit Mario en saisissant vivement les mains tremblantes de la jeune fille ; Alma, ce que vous faites aujourd’hui nous lie plus que jamais, songez-y ; je pars, mais c’est pour venir bientôt vous arracher de ces murs maudits, et quand je reviendrai, vous n’aurez oublié, n’est-ce pas, ni votre amour ni le mien ?

Et en parlant ainsi il porta les mains d’Alma à ses lèvres.

Mais Alma recula d’un pas, et dégageant doucement ses mains de l’étreinte passionnée de son amant :

— Mario, lui dit-elle d’une voix grave et lente, de cruelles révélations m’ont été faites depuis que je ne vous ai vu… Vous êtes libre. Retournez à la montagne où vous attendent d’autres amours ; moi, demain, je serai fiancée au marquis de Santa-Fiore !…

Mario poussa un cri étouffé à cette nouvelle inattendue.

Mais déjà le caporal Mustaccio frappait à la porte à coups redoublés. Un seul moment de retard pouvait tout perdre ou tout compromettre.

— Partez ! partez ! dit Alma.

Et avant que Mario eût recouvré sa présence d’esprit, la porte du cachot s’ouvrit : Alma et Marina s’esquivèrent, et il se trouva seul vis-à-vis du caporal Mustaccio, qui lui mit un vieux mousquet entre les mains en lui disant :

— Suivez-moi !

Mario se laissa conduire machinalement, sachant à peine s’il veillait ou s’il était le jouet de quelque horrible hallucination.

Cependant, Alma et Marina avaient gagné leur chambre.

Quoique la fille supposée d’Ercole fût mortellement triste, elle ouvrit sa fenêtre et attendit, dans une indicible anxiété, l’exécution des promesses du caporal Mustaccio.

Peu d’instants après, elle vit une patrouille passer sur le bastion et relever la sentinelle.

Le nouveau factionnaire se tint un moment immobile, et quand la patrouille se fut éloignée, il jeta sur l’herbe son casque, son mousquet et son manteau, contempla un instant d’un œil plein d’amertume le vieux château d’Ercole, et prit sa course à travers la vallée.

— Merci, mon Dieu ! dit Alma en tombant à genoux.

Mario était sauvé !

Quant au caporal Mustaccio, pour en finir de suite avec lui, nous dirons que le lendemain matin, en passant dans le préau, il reçut de Marina un avis charitable qui changea notablement ses intentions. La camériste l’avertit que son manteau, son casque et son mousquet laissés sur l’herbe par le prisonnier avaient été trouvés et reconnus, et lui laissa tirer lui-même la conclusion de ce fait.

Le caporal Mustaccio, en homme de bon sens, calcula qu’avec cette double chance d’être marié et d’être pendu, il valait mieux fuir afin d’éviter l’un et l’autre.

Il prit galamment un baiser sur le cou de Marina, qui se laissa faire, trop heureuse d’en être quitte à si bon marché, et quitta le fort, résolu à gagner la montagne et à prendre du service dans la première bande libre qu’il rencontrerait.

Quand elle le vit s’éloigner avec cette admirable agilité, Marina joignit les mains, poussa un profond soupir de satisfaction, et remercia le ciel de l’avoir délivrée d’un si grand malheur.

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