XX

– Enfin, il a été donné à mes yeux de le contempler, et à mes bras de le serrer contre ma poitrine.

C’est en ces termes, tout vibrant d’enthousiasme et de son plus terrible accent, que le vieux maître italien annonça à Mlle Gilberte qu’il venait de revoir ce fameux élève dont il attendait la fortune et la gloire.

– Mais combien il est faible encore, ajoutait-il, et souffrant de ses blessures ! J’hésitais presque à le reconnaître, tant il est pâle et amaigri.

La jeune fille ne l’écoutait plus. Un flot de vie inondait son cœur. Ce moment effaçait toutes les douleurs et toutes les angoisses.

– Et moi aussi, pensait-elle, je le reverrai aujourd’hui !

Et, avec cet infaillible instinct de la femme qui aime, elle calculait le moment où Marius de Trégars paraîtrait rue Saint-Gilles. Ce serait à la tombée de la nuit, probablement, comme l’autre fois, lors de son départ, c’est-à-dire vers les huit heures, puisqu’on était aux jours les plus longs de l’année.

Or, ce jour-là, précisément, et à cette heure, Mlle Gilberte devait se trouver seule à la maison. Il avait été convenu que sa mère, après le dîner, irait rendre visite à Mme Desclavettes, qui était au lit, à demi morte de la peur qu’elle avait eue pendant les dernières convulsions de la Commune.

Donc, elle serait libre, elle n’aurait pas à inventer un mensonge pour descendre quelques minutes.

Mais la réflexion ne devait pas tarder à jeter un nuage sur la joie que, tout d’abord, elle avait ressentie de ce concours heureux de circonstances.

Descendant au fond de son âme troublée, elle s’épouvantait de sa faiblesse et de sa facilité à se décider à des démarches qui jadis lui auraient paru monstrueuses. Qu’était donc devenue son énergie ? Quel vertige la frappait ? Où serait la limite des concessions incessamment plus grandes qu’arrachait à sa conscience cet amour, bien chaste, assurément, et bien pur, mais que cependant elle ne pouvait avouer, et qu’il lui fallait dissimuler comme une mauvaise action ?

– S’il me restait une lueur de courage, pensait-elle, je ne descendrais pas.

Oui, mais la voix des capitulations lui rappelait qu’elle avait à rendre à Marius la lettre qu’il lui avait confiée, et lui criait qu’après tant d’événements il devait avoir à lui dire des choses importantes et qu’il était peut-être indispensable qu’elle sût.

Lorsque Mme Favoral sortit, Mlle Gilberte en était encore à prendre une résolution définitive.

Mais elle avait la lettre dans sa poche, et son chapeau était à sa portée.

Elle alla s’accouder à la fenêtre.

La rue était redevenue solitaire et silencieuse. À peine toutes les minutes apercevait-on un passant. La nuit venait, et assez vite, même, car de gros nuages chargés d’électricité se balançaient au-dessus de Paris. La chaleur était accablante. Il n’y avait pas un souffle d’air.

Une à une, à mesure qu’approchait le moment où elle avait calculé que paraîtrait Marius, les hésitations de la jeune fille se dissipaient comme une fumée. Elle ne craignait plus qu’une chose : qu’il ne vînt pas, ou qu’il ne fût venu déjà, et ne se fût éloigné désespéré de ne l’avoir pas aperçue…

Déjà les objets devenaient moins distincts, et le gaz s’allumait au fond des arrière-boutiques, lorsque enfin elle le reconnut, de l’autre côté du trottoir. Il leva la tête en passant, et, sans s’arrêter, il lui adressa un geste rapide, un geste suppliant, que seule elle pouvait comprendre : « Je vous en conjure, venez ! »

Le cœur battant à lui rompre la poitrine, la jeune fille s’élança dans l’escalier. Mais c’est seulement en mettant le pied dans la rue qu’elle put mesurer la grandeur des risques qu’elle courait. Concierges et boutiquiers étaient assis devant leur porte et causaient en prenant le frais. Tous la connaissaient. N’allaient-ils pas s’étonner de la voir seule, dehors, à pareille heure ? Qu’adviendrait-il, s’il prenait à l’un d’eux la fantaisie de l’épier ?…

Cependant, elle poursuivit son chemin, répondant au salut des voisins, qui, sur son passage, retiraient leur pipe de leur bouche et se découvraient…

À vingt pas en avant elle apercevait Marius.

Mais il avait compris le danger, elle en fut convaincue, car au lieu de tourner rue des Minimes, il suivit toute la rue Saint-Gilles, et ne s’arrêta que de l’autre côté du boulevard Beaumarchais.

Alors, seulement, Mlle Gilberte le rejoignit. Et elle ne put retenir un cri, en voyant combien terriblement il était pâle, comme un mourant, et si faible, que très-évidemment il lui fallait un grand effort pour se tenir debout et marcher.

– Ah ! c’est une imprudence affreuse que d’être revenu ! s’écria-t-elle.

Un peu de sang remonta aux joues de M. de Trégars, son visage s’illumina, et d’une voix frémissante de passion contenue :

– L’imprudence eût été de rester loin de vous, prononça-t-il, je m’y sentais mourir…

Ils étaient retirés tous deux contre la devanture d’une boutique fermée, et ils étaient comme seuls, au milieu de la foule qui circulait sur le boulevard, toute occupée de contempler les effroyables dégâts de la Commune.

– Et d’ailleurs, poursuivait Marius, ai-je donc une minute à perdre ? Je vous ai demandé trois ans, quinze mois se sont écoulés et je ne suis pas plus avancé que le premier jour. Lorsqu’a éclaté cette guerre maudite, toutes mes mesures étaient prises. J’étais sûr d’arriver rapidement à une fortune assez belle pour que votre père ne me refusât pas votre main… Tandis que maintenant !…

– Eh bien ?

– Toutes les conditions sont changées. L’avenir est trop incertain pour que personne consente à engager ses capitaux. Le temps est aux tripoteurs d’affaires, aux agioteurs à la petite semaine, aux bonisseurs qui promettent, si on leur confie un petit écu, de rendre six francs. Marcolet lui-même, à qui l’audace ne manque pas, et qui croit fermement au succès de l’entreprise que nous avions conçue, Marcolet me le disait hier. Il n’y a rien à tenter en ce moment, il faut attendre…

Il y avait, dans son accent, une si poignante douleur, que la jeune fille sentit ses yeux se mouiller.

– Nous attendrons donc, dit-elle avec une fausse gaieté.

Mais M. de Trégars hochait la tête.

– Est-ce possible ? fit-il. Croyez-vous donc que j’ignore quelle vie est la vôtre ?…

Mlle Gilberte se redressa.

– Me suis-je jamais plainte ? demanda-t-elle fièrement.

– Non. Votre mère et vous, toujours religieusement, vous avez gardé le secret de vos souffrances, et il a fallu pour me les révéler un hasard providentiel. Mais enfin, j’ai tout appris. Je sais que celle que j’aime uniquement et de toute la puissance de mon être, est soumise au despotisme le plus odieux, abreuvée d’outrages et condamnée aux plus humiliantes privations. Et moi, qui mille fois donnerais ma vie pour elle, je ne puis rien pour elle. L’argent élève entre nous une si infranchissable barrière, que mon amour à moi, Marius de Trégars, est une offense. Pour savoir quelque chose d’elle, j’en suis réduit à inventer des complices. Si j’obtiens d’elle quelques minutes d’entretien, je risque son honneur de jeune fille.

Gagnée par son émotion :

– Vous m’avez du moins délivrée de M. Costeclar, dit Mlle Gilberte.

– Oui, j’ai pu heureusement trouver des armes contre ce misérable. Mais en trouverais-je contre tous ceux qui se présenteront ? Votre père est très-riche, et les hommes sont nombreux pour qui le mariage n’est qu’une spéculation comme une autre…

– Douteriez-vous de moi ?…

– Ah ! je douterais de moi, plutôt !… Mais je sais quelles épreuves vous a values votre refus d’épouser M. Costeclar, je sais quelle lutte sans merci vous avez soutenue. Un autre prétendant peut se présenter, et alors… Mais non, vous voyez bien que nous ne pouvons pas attendre !…

– Que voulez-vous faire ?…

– Je ne sais, ma détermination n’est pas arrêtée encore. Et cependant Dieu sait quels ont été les efforts de mon intelligence, pendant ce mois que je viens de passer sur un lit d’ambulance, pendant ce mois où vous avez été mon unique pensée… Ah ! tenez, quand j’y pense, je ne trouve plus de paroles pour maudire l’insouciance avec laquelle je me suis dépouillé de ma fortune !

Comme si elle eût entendu un blasphème, la jeune fille recula.

– Il est impossible, s’écria-t-elle, que vous regrettiez d’avoir payé ce que devait votre père…

Un amer sourire crispait les lèvres de M. de Trégars.

– Et si je vous disais, répondit-il, que mon père, véritablement, ne devait rien ?…

– Oh !…

– Si je vous disais qu’on lui a pris toute sa fortune, plus de deux millions, aussi audacieusement qu’un filou vole un mouchoir dans la poche d’un passant ?… Si je vous disais qu’en sa naïveté loyale, il n’a été qu’un homme de paille, entre les mains d’habiles scélérats !… Avez-vous donc oublié ce que disait le comte de Villegré ?

Mlle Gilberte n’avait rien oublié.

– Le comte de Villegré, répondit-elle, prétendait qu’il était encore temps de faire rendre gorge aux gens qui avaient dépouillé votre père…

– Eh bien ! oui ! s’écria Marius, et je suis résolu à leur faire rendre gorge !…

La nuit, cependant, était tout à fait venue. Les boutiques s’éclairaient. Les employés du gaz, leur longue perche sur l’épaule, passaient en courant, et, un à un, sur toute la ligne des boulevards, les réverbères s’illuminaient.

Inquiet de ces clartés soudaines, M. de Trégars entraîna Mlle Gilberte un peu plus loin, jusqu’à une sorte d’esplanade précédant l’escalier qui conduit à la rue Amelot.

Et une fois là, s’accotant contre la rampe de fer :

– Déjà, poursuivit-il, lors de la mort de mon père, je soupçonnais les manœuvres abominables dont il a été victime. Il me parut indigne de moi de vérifier mes soupçons. J’étais seul au monde, je n’avais que des besoins restreints, j’étais persuadé que mes recherches me donneraient, dans un avenir très-prochain, une fortune bien supérieure à celle que j’abandonnais. Je trouvai quelque chose de noble et de grand, et qui flattait ma vanité, à renoncer à tout, sans discussion, sans procès, et à consommer ma ruine d’un trait de plume. Seul, parmi mes amis, le comte de Villegré eut le courage de me dire que c’était là une coupable folie, que le silence des dupes est la force des fripons, que mes dédains feraient bien rire les gredins qu’ils enrichissaient. Je répondis que je ne voulais pas voir le nom de Trégars mêlé à des débats honteux, et que me taire, c’était honorer la mémoire de mon père. Triple niais ! Le seul moyen d’honorer mon père, c’était de le venger, c’était d’arracher ses dépouilles aux misérables qui avaient causé sa mort ; aujourd’hui, je le vois clairement… Mais avant de rien entreprendre, Gilberte, j’ai voulu prendre votre avis.

Debout, les bras pendants, la jeune fille écoutait de toutes les forces de son attention.

Elle en était arrivée à confondre si complétement, dans sa pensée, son avenir et celui de M. de Trégars, qu’elle ne voyait rien d’extraordinaire à ce qu’il la consultât, lorsqu’il s’agissait de la réalisation de leurs espérances, et qu’elle ne s’étonnait pas de se voir là, avec lui, délibérant.

– Il faudrait des preuves, objecta-t-elle.

– Je n’en ai pas, malheureusement, répondit M. de Trégars, je n’en ai pas, du moins, de positives, et telles qu’il les faut pour s’adresser à la justice. Mais je crois pouvoir m’en procurer. Mes soupçons d’autrefois sont devenus une certitude. Le même hasard qui m’a permis de vous délivrer des obsessions de M. Costeclar, a mis entre mes mains des indications précieuses…

– Alors il faut agir, prononça résolument Mlle Gilberte…

Un instant Marius hésita, comme s’il eût cherché des expressions pour ce qu’il lui restait encore à dire. Puis :

– Il est de mon devoir, reprit-il, de ne vous rien cacher de la vérité. La tâche est lourde. Les intrigants obscurs d’il y a dix ans sont devenus de gros financiers, retranchés derrière leurs sacs d’écus comme derrière un rempart inexpugnable. Isolés jadis, ils ont su grouper autour d’eux des intérêts puissants, des complices haut placés, et des amis dont la grande situation les protége. Ayant réussi, ils sont absous. Ils ont pour eux ce qu’on appelle la considération publique, cette chose idiote qui se compose de l’admiration des imbéciles, de l’approbation des gredins, et du concert des vanités intéressées. Quand ils passent, au galop de leurs chevaux, dans le nuage de poussière que soulève leur voiture, insolents, impudents, gonflés de l’épaisse fatuité de l’argent, on salue jusqu’à terre.

On dit : « Ce sont d’habiles gens ! » Et dans le fait, oui, adresse ou bonheur, ils ont jusqu’ici évité la police correctionnelle, où tant d’autres sont allés s’échouer. Ceux qui les méprisent en ont peur et leur tendent la main. Ils sont d’ailleurs assez riches pour ne plus voler eux-mêmes… ils ont des employés pour cela.

L’énergie du mépris donnait à M. de Trégars une vigueur nouvelle, pendant qu’il traçait ce sombre tableau de sa situation.

Et c’est d’une voix âpre et brève qu’il poursuivait :

– Si je vous dis ces choses, ô mon amie, c’est que je vais engager une partie décisive, et que je ne suis pas sûr de la gagner. Je ne m’abuse pas. Le jour où j’élèverai la voix pour accuser, ce sera contre moi une clameur furibonde.

Je verrai se dresser tout ce que Paris compte de financiers suspects, de louches industriels, des tripoteurs véreux, tous les faiseurs enrichis, tous ceux dont la fortune est greffée sur une gredinerie. C’est une armée. On voudra savoir quel est ce trouble-fête, ce fou furieux, qui s’avise de fouiller dans le passé des gens, et de réveiller des histoires oubliées. On dira que je n’ai pas un sou, et que ceux que j’accuse ont des millions. Alors, ce sera moi, peut-être, qui passerai pour un malhonnête homme. On tâchera de prouver que je spécule sur le scandale, et que tous les millionnaires sont exposés à rencontrer des gens qui essayent de les faire chanter.

Mais Mlle Gilberte n’était pas de celles que la lutte épouvante.

– Qu’importe !… s’écria-t-elle.

M. de Trégars hochait la tête :

– Dieu m’est témoin, reprit-il, que jamais jusqu’à ces jours passés, l’idée ne m’était venue de troubler en leur possession les gens qui ont dépouillé mon père. Seul, qu’avais-je besoin d’argent ? Plus tard, ô mon amie, je m’étais dit que je saurais conquérir la fortune qu’il me faut pour obtenir votre main.

Vous m’aviez promis d’attendre, et il m’était doux de me dire que je vous devrais à mes seuls efforts. Les événements ont anéanti mes espérances. J’en suis, aujourd’hui, réduit à reconnaître que tous mes efforts seraient inutiles. Attendre, patienter, ce serait risquer de vous perdre. Dès lors, je n’hésite plus… Je veux ce qui est à moi, je veux qu’on me restitue ce qu’on m’a volé.

À son accent, il était aisé de comprendre, et Mlle Gilberte le comprenait bien, que sa résolution était désormais irrévocable.

– Malheureusement, continua-t-il, ce n’est pas immédiatement, ce n’est pas ouvertement surtout, que je dois engager la lutte. Peut-être me faudra-t-il ces mois de patience et de dissimulation, avant de réunir des armes. D’ici là, je vais être forcé de renoncer à ma vie solitaire, toute de travail et de méditation. Grâce au comte de Villegré, qui met à ma disposition ses modestes économies, je vais me rejeter dans le monde, y renouer mes relations, m’y créer de nouveaux amis et me ménager des appuis… Mais avant tout, mon amie, j’ai une prière à vous adresser. Si éloignée que soit la rue Saint-Gilles du milieu où je vais vivre, il se peut qu’un écho de ma vie arrive jusqu’à vous…

C’est avec une insistance inquiète que Mlle Gilberte fixait sur lui ses beaux yeux tremblants.

Il semblait embarrassé.

– Eh bien ? interrogea-t-elle.

– Eh bien ! répondit-il, quoi que vous puissiez entendre dire de moi, quoi que vous puissiez lire, je vous conjure de ne rien croire… Quoi que vous appreniez, et si étrange que cela vous paraisse, dites-vous bien que je poursuis inflexiblement mon but.

Ce n’est qu’en employant l’arme de mes ennemis, la ruse, que je puis les vaincre. Quoi que je fasse, car, hélas ! sais-je moi-même à quoi j’en serai réduit ? quelque rôle que je joue, rappelez-vous qu’il ne sera pas une de mes actions, pas une de mes pensées qui ne tende à rapprocher le jour béni où vous serez ma femme…

Il y avait dans sa voix tant et de si inexprimables tendresses, que la jeune fille ne pouvait retenir ses larmes.

– Jamais, quoi qu’il arrive, je ne douterai de vous, Marius ! prononça-t-elle.

Il lui prit les mains, et les serrant d’une étreinte passionnée :

– Et moi, s’écria-t-il, je vous jure que, soutenu par votre souvenir, il n’est pas de dégoût que je ne surmonte, pas d’obstacles que je ne renverse !…

Il parlait si haut, que deux ou trois passants s’arrêtèrent.

Il s’en aperçut, et ramené brusquement au sentiment de la réalité :

– Malheureux que nous sommes ! prononça-t-il tout bas et très-vite, nous oublions ce que cette entrevue peut nous coûter !

Et il entraîna Mlle Gilberte de l’autre côté du boulevard, et tout en regagnant la rue Saint-Gilles, par les rues désertes :

– C’est une imprudence affreuse que nous venons de commettre, reprit M. de Trégars. Mais il fallait nous voir absolument ; et nous n’avions pas le choix des moyens. Maintenant, et pour longtemps, nous voilà séparés. Tout ce que vous voudrez que je sache de vous, racontez-le à ce digne Gismondo qui me rapporte fidèlement vos moindres paroles. C’est par lui que vous aurez de mes nouvelles. Deux fois par semaine, le mardi et le vendredi, à la tombée de la nuit, je passerai devant votre maison. Je rentrerai enflammé d’une énergie nouvelle, si j’ai le bonheur de vous apercevoir.

S’il survenait un événement extraordinaire, faites-moi un signe, et je vous attendrai rue des Minimes… Mais c’est un expédient dont nous ne devons user qu’avec la dernière circonspection… Je ne me pardonnerais pas d’avoir risqué votre réputation.

Ils arrivaient à la rue Saint-Gilles ; Marius s’arrêta.

– Il faut nous quitter, commença-t-il.

Mais alors seulement, Mlle Gilberte se rappela la lettre de M. de Trégars, cette lettre qui avait été le prétexte qu’elle s’était donné pour descendre.

La tirant de sa poche, et la lui tendant :

– Voici, dit-elle, le dépôt que vous m’avez confié.

Mais il la repoussa doucement.

– Non, répondit-il, gardez cette lettre, elle ne peut plus être ouverte que par la marquise de Trégars.

Et portant à ses lèvres la main de la jeune fille, et d’une voix profondément altérée :

– Adieu, murmura-t-il, bon courage et bon espoir !…

Share on Twitter Share on Facebook