Une cellule à la prison de Saint-Lazare.
Beaumarchais, seul en scène au lever du rideau, marche à petites enjambées d’un mur à l’autre – mais revenant sur ses pas, sans cesse, on dirait plutôt qu’il piétine.
La porte s’ouvre – et un geôlier paraît.
LE GEÔLIER, annonçant. – Monsieur de Sartine.
BEAUMARCHAIS. – Ah – enfin !
(Sartine entre. Il est visiblement porteur d’une bonne nouvelle – et le geôlier les laisse seuls.)
SARTINE. – Vous y serez resté cinq jours.
BEAUMARCHAIS. – C’est cinq de trop, Monsieur.
SARTINE. – Tous – et le Roi le premier – nous sommes bien d’accord.
BEAUMARCHAIS. – M’avoir fait mettre à Saint-Lazare – à soixante ans – dans la prison que l’on réserve aux enfants vicieux – me faisant ainsi courir le risque répugnant d’y être flagellé.
SARTINE. – L’avez-vous été ?
BEAUMARCHAIS. – Non.
(Le doute à cet égard subsistera toujours.)
SARTINE. – C’est le Roi qui m’envoie.
BEAUMARCHAIS. – J’écoute.
SARTINE. – Vous êtes libre.
BEAUMARCHAIS. – Si je le veux.
SARTINE. – ?
BEAUMARCHAIS. – Oui. Oui, je l’avais prévu – et je pose mes conditions. Les voici. Pour effacer l’affront que l’on m’a fait subir, il convient que le Roi choisisse l’un des quatre moyens – que j’ai notés d’ailleurs.
(Il a pris, sur ce qui lui sert de bureau, une page manuscrite dont il donne lecture aussitôt à Sartine :)
« Primo : une déclaration portant que la Maison de Saint-Lazare est une Maison Royale. Secundo : que le Roi daigne m’adresser la parole dans les Galeries ou dans les Appartements de Versailles. Tertio : que Sa Majesté accepte la dédicace de mon prochain ouvrage – ou bien, enfin, que le Roi m’accorde une pension en vertu de laquelle je puisse ajouter à mes titres celui de pensionnaire du Roi ». Voilà. Sinon, je refuse de quitter la prison.
(Et il ajoute :)
Et je ne plaisante pas.
(Et il ne plaisantait pas.)
ET LE RIDEAU SE FERME