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Monsieur,—Je vous avois promis, et je m'étois flatté de pouvoir consacrer mes veilles à traduire aussi votre admirable Histoire de l'infortunée Maison de Stewart. Les obstacles les plus puissants, ceux-mêmes qui ôtent à l'esprit cette liberté sans laquelle on ne fait rien de bien, voyages, affaires, disgrâces, maladies—tout s'est opposé à l'exécution d'un projet qui rioit si fort à mon imagination et dont l'exécution ne pouroit que me faire honneur.

A ce défaut j'ai prêté à un de mes amis, homme d'esprit et laborieux, le premier volume que vous avez eu la bonté de m'envoyer. Il l'a traduit et le rendra public au commencement de l'hiver prochain.

J'ai de même que tous ceux qui savent ici l'Anglois, le plus grand empressement de lire votre second volume. J'en ferai le même usage que du premier.

Je vous avois annoncé que vos discours Politiques feroient parmi nous le même effet que L'Esprit des Loix. L'évènement m'a justifié, non seulement ils jouissent parmi nous de cette haute réputation qu'ils méritent, mais ils ont donné lieu à un grand nombre d'autres ouvrages plus ou moins estimables et qui la plus part n'ont d'original que la forme. Vous en trouverez le catalogue à la suite d'une troisième édition de ma traduction que je vais donner incessamment.

Il vient d'en paroître un qui fait ici un grand bruit, et que je n'ai garde de confondre avec tous ceux dont je viens de parler. Il est intitulé, L'Ami des Hommes ou Traité de La Population. L'Auteur est un génie hardi, original, qui comme Montaigne se laisse aller à ses idées, les expose sans orgueil, sans modestie; il ne suit ni ordre ni méthode; mais son ouvrage, plein d'excellentes choses, respire le bien de l'humanité et de la patrie. Il prêche l'agriculture, et foudroye la finance. Il combat votre système sur le luxe, mais avec les égards élevés à la superiorité de vos lumières. Il m'a remis un exemplaire de son ouvrage, qu'il me prie de vous présenter comme un tribut de son estime et de la reconnoissance qu'il vous doit, pour l'utilité qu'il a tirée de vos Discours Politiques. Il ne demande pas mieux que d' être éclairé et par la noblesse des sentiments et la politesse de la conduite. Je ne crains pas de le dire. L'adversaire est digne de vous. C'est Monsieur le Marquis de Mirabeau, qui est tel qu'il paroît dans son livre—c'est à dire un des plus extraordinaires des hommes qu'il y ait en quelque pays que ce soit. Je vous prie Monsieur de m'indiquer une voie sûre pour vous faire parvenir son ouvrage.

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