L'Iliade Scène 6 : La balance du destin

Alors Zeus attela à son char deux chevaux rapides aux sabots de bronze, à la crinière d'or. Tout vêtu d'or, et faisant claquer son fouet d'or, Zeus monta sur le char et s'envola sur le Mont Ida. Là, il cacha ses chevaux dans un nuage et s'assit près de son autel sur la cime, afin de contempler la ville et les vaisseaux.

Comme la journée s'avançait, – la bataille faisait rage depuis l'aube -, Zeus déploya sa balance d'or. Il y plaça deux Destins de mort, l'un pour les Grecs, l'autre pour les Troyens. Puis il souleva la balance par le milieu, et le fléau s'inclina du côté des Grecs, marquant pour eux le jour fatal. Alors Zeus, du haut de l'Ida, tonna avec force et lança sur les Grecs un éclair qui frappa de terreur tous les hommes.

À ce moment, ni Ulysse ni Agamemnon n'osèrent résister, ni les deux Ajax, si vaillants guerriers qu'ils fussent. Le vieux Nestor se trouva en danger, quand Pâris eut frappé l'un des chevaux de son char, jetant le désarroi dans l'attelage. Le vieillard aurait perdu la vie, si Diomède, un autre héros, ne l'eût vu, et ne lui eût porté secours.

Tandis que Diomède et Nestor fuyaient en direction des vaisseaux, Hector cria à ses hommes :

« Troyens, l'heure est venue de montrer votre valeur. Je vois que Zeus nous promet la victoire, comme la ruine à nos ennemis. Regardez ces misérables murailles qu'ils ont élevées : elles ne serviront à rien. Quant à leur fossé, nos chevaux le franchiront d'un bond. Allons aux vaisseaux, incendions-les, et massacrons auprès de leurs navires les Grecs suffoqués par la fumée. »

Zeus inspira aux Troyens tant d'ardeur qu'ils repoussèrent les Grecs tout droit vers le fossé. Hector marchait au premier rang. Il poursuivait les Grecs, tuant tous ceux qui restaient les derniers, tandis que les autres s'enfuyaient. Enfin, ils franchirent la palissade et le fossé, laissant de nombreux morts. Arrivés près des vaisseaux, ils levèrent leurs bras vers le ciel et prièrent les dieux. Hector faisait voltiger ses chevaux, et ses yeux ressemblaient à ceux d'Arès, le dieu de la guerre.

À ce moment, la brillante lumière du soleil tomba dans l'Océan, entraînant la nuit noire sur la terre. Les Troyens virent à regret disparaître la lumière, mais les Grecs, eux, accueillirent la nuit avec joie.

La nuit venue, Hector dut écarter ses troupes des vaisseaux. Ils trouvèrent, près du fleuve, un espace libre entre les cadavres. C'est là qu'ils tinrent assemblée, descendant de leur char pour écouter ce que dirait leur prince.

« Troyens et alliés, dit Hector, je croyais, tout à l'heure, que nous retournerions dans la ville, après avoir anéanti les Grecs et leurs vaisseaux. Mais la nuit les a sauvés. Nous camperons donc ici et, au premier rayon du jour, nous reprendrons le combat.

« Amenez de la ville des boeufs et de gros moutons, ainsi que du pain et du vin pour le repas du soir. Apportez aussi du bois. Il faut que nous fassions brûler des feux nombreux, de peur que l'ennemi ne tente de s'enfuir à la faveur de la nuit. Ah ! puissé-je être immortel et à jamais soustrait à la vieillesse, aussi vrai que ce jour est en train d'apporter le malheur aux Grecs. »

Ainsi parla-t-il, et les Troyens d'applaudir. Ils dételèrent leurs chevaux et les attachèrent aux chars, puis ils apportèrent du bois et de la nourriture.

Bientôt, entre les vaisseaux et le fleuve, des feux brillèrent dans la plaine, aussi nombreux que les étoiles dans le ciel. Autour de chaque feu se tenaient cinquante hommes, tandis que leurs chevaux étaient debout, près des chars, à manger le bon grain.

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