À Adolphe Trébuchet.

21 septembre 1820.

Tous mes amis se plaignent de moi, mon cher Adolphe, je suis, disent-ils, un paresseux, un négligent, un ingrat... Tu sais, toi, que mes loisirs ne répondent pas à mes désirs, et que, si j’avais le temps de t’écrire chaque fois que j’en ai l’envie, tu recevrais à Nantes un journal quotidien de mes faits et gestes. Cependant, voici venir le moment où nous n’aurons plus besoin d’un froid papier et d’un long intervalle de temps pour nous communiquer nos pensées et nous assurer de l’affection mutuelle qui nous lie. Hâte, je t’en prie, mon cher ami, ce moment désiré bien ardemment par tes cousins de Paris. Songe que l’ouverture des cours exige que tu sois ici le 1er novembre au plus tard ; calcule sur ton amitié pour venir plus tôt.

Je crains, toutefois, que cette dernière demande ne soit indiscrète ; ton père, ta sœur, tes frères, qui vont te perdre pour un temps si long, ne te laisseront partir, je le sens bien, qu’à la dernière extrémité. Tous les matins ils diront à Adolphe : encore un jour ! Et ce serait peut-être trop exiger de toi que demander que tu sacrifies ces premières affections à notre amitié. Cependant, mon ami, nous désirons tous tant te voir, t’embrasser ! Enfin, arrange tout pour le mieux.

Prie ton bon père et notre aimable cousine de me pardonner ces sollicitations intéressées, et d’y voir, non de l’égoïsme, mais une bien impatiente et bien vive amitié. Adieu, Adolphe, réponds-moi vite et viens vite. Nous t’embrassons tous cordialement.

Ton cousin et ami,

V.-M. Hugo.

Mes respects et mes remerciements à ton papa ; il verra dans le Conservateur littéraire un petit article sur la Société académique de Nantes. Mes hommages à ta sœur, mes amitiés à ton père et dépêche-toi de faire tes paquets.

Nous attendons encore la perte ou le salut de la monarchie : l’enfant de Madame de Berry.

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