Au général Hugo.

Ce 20 décembre 1822.

Mon cher papa,

C’est auprès du lit d’Eugène malade et dangereusement malade que je t’écris. Le déplorable état de sa raison, dont je t’avais si souvent entretenu, empirait depuis plusieurs mois d’une manière qui nous alarmait tous profondément, sans que nous pussions y porter sérieusement remède, puisqu’ayant conservé le libre exercice de sa volonté, il se refusait obstinément à tous les secours et à tous les soins. Son amour pour la solitude poussé à un excès effrayant a hâté une crise qui sera peut-être salutaire, du moins il faut l’espérer, mais qui n’en est pas moins extrêmement grave et le laissera pour longtemps dans une position bien délicate. Abel et M. Foucher t’écriront plus de détails sur ce désolant sujet. Pour le moment, je me hâte de te prier de vouloir bien nous envoyer de l’argent, tu comprendras aisément dans quelle gêne ce fatal événement m’a surpris. Abel est également pris au dépourvu et nous nous adressons à toi comme à un père que ses fils ont toujours trouvé dans leurs peines, et pour qui les malheurs de ses enfants sont les premiers malheurs.

Du moins, dans cette cruelle position, avons-nous été heureux dans le hasard qui nous a fait prendre pour médecin une de tes anciennes connaissances, le docteur Fleury.

Adieu, bon et cher papa, j’ai le cœur navré de la triste nouvelle que je t’apporte. Notre malade a passé une assez bonne nuit ; il se trouve mieux ce matin, seulement son esprit, qui est tout à fait délirant depuis avant-hier, est en ce moment très égaré ; on l’a saigné hier, on lui a donné l’émétique ce matin et je suis près de lui en garde-malade. Adieu, adieu ; la poste va partir et je n’ai que le temps de t’embrasser en te promettant de plus longues lettres d’Abel et de M. Foucher.

Ton fils tendre et respectueux,

Victor

Soumet. Saül représenté à l’Odéon le 9 novembre 1822. Clytemnestre jouée au Théâtre-Français, le 7 novembre 1822. Durand, poète, fit aussi de la critique littéraire ; il signait de plusieurs pseudonymes : Durangel, Holmondurand, Durand-Vandraulmon. Latiniste distingué, il fut membre de plusieurs académies de province. Mme Victor Hugo. Victor Hugo raconté par un témoin de sa vie. — C’est de cette lettre qu’il est question dans les Lettres à la Fiancée, page 97. Louis Barthou. — Le Général Hugo. Lamennais, ordonné prêtre en 1816, débuta dans la littérature par un succès : Essai sur l’Indifférence en matière de religion ; mais plus tard son libéralisme croissant, ses écrits à tendance républicaine inquiétèrent le pouvoir ; en 1830 il fonda, avec Lacordaire, le journal l’Avenir qui révolutionna le monde catholique. Le pape désapprouva les doctrines de Lamennais qui fut alors abandonné de tous ses amis. En 1834 il cessa toute fonction sacerdotale et publia Les paroles d’un croyant. En 1848, il fut élu représentant du peuple et siégea à l’extrême gauche. Il mourut pauvre, en 1814. Le duc de Rohan mit en 1821 Lamennais en relations avec Victor Hugo dont il fut le confident plus que le confesseur. Leur correspondance, très amicale, se poursuivit, fréquente, jusqu’en 1851. Voici, notre connaissance, les dernières lignes que Lamennais adressa à Victor Hugo en décembre 1851 : « Vous êtes des héros sans moi. J’en souffre. J’attends vos ordres. Tâchez donc de m’employer à quelque chose, ne fût-ce qu’à mourir. » Histoire d’un crime. Troisième journée.

« Je vous demande une correction dans un seul vers :

Qu’il s’épure à ces eaux où s’épura Dieu même.

Cette dernière pensée n’est pas exacte, vous le voyez bien. Dieu, qui est la pureté même, ne

peut en aucun sens s’épurer. Si le vers le permettait j’aimerais mieux : que sanctifia, que féconda Dieu même. Mais vous trouverez aisément ce qu’il convient de substituer. » (Lettre de Lamennais, 21 avril 1822.)

Essai sur l’Indifférence en matière de religion. — Archives de la famille de Victor Hugo. Société d’émulation, fondée à Blois, dont le général faisait partie et qui avait besoin de l’autorisation ministérielle. Directeur des Beaux-Arts, Sciences et Lettres au ministère de l’Intérieur. Directeur de la police. Ami du général Hugo qui avait envoyé à Victor une lettre de recommandation pour lui. Il s’agit d’une retenue sut la pension que le général servait à ses fils. La Révolte aux enfers. Louis Hugo, frère du général, résidait à Tulle, où il mourut en 1853. Il commanda les départements du Cantal et de la Corrèze. Bibliothèque municipale, Blois. Inédite. Collection Louis Barthou. Odes et Poésies diverses. À sa réponse à la lettre de son fils (18 juillet), le général avait joint la demande officielle adressée à M. et Mme Foucher ; il en avait laissé la date en blanc, afin, disait-il à Victor, « de te laisser maître d’attendre la nouvelle faveur que l’on te promet ». (22 juillet.) Voici un extrait de la demande en mariage :
« ... L’état dans lequel j’ai parcouru ma longue carrière ne m’a pas permis autant qu’à vous de connaître bien mes enfants et leurs qualités. Je connais à Victor une sensibilité exquise, un excellent cœur, et tout me porte à croire que ses autres qualités morales répondent à celles-là. C’est ce cœur, ce sont ces qualités que j’ose mettre aux pieds de votre aimable fille. Victor me charge de vous demander la main de cette jeune personne dont il prétend faire le bonheur et dont il attend le sien... Déjà, pour aplanir les premières difficultés, il s’est avec une distinction rare ouvert seul une carrière brillante, il s’est en quelque sorte doté pour offrir à mademoiselle votre fille un état convenable, des espérances et un avenir, vous connaissez ce qu’il est et ce qu’il a. Si des temps plus heureux permettaient l’accomplissement du traité de mai 1814, si la commission mixte des séquestres et indemnités donnait enfin des conclusions que le gouvernement adoptât, Victor recevrait de son père les moyens de monter modestement sa maison…
« Aussitôt que j’aurai reçu votre réponse, si elle est telle que je me plais à l’espérer, j’adresserai à Victor le consentement voulu par l’article 76 du Code Civil. » (Mme Victor Hugo. Victor Hugo raconté par un témoin de sa vie.)
Le général priait son fils d’en adresser un exemplaire à l’Académie des Sciences. « Il faudra, mon bon ami, quand il en sera temps, que mon consentement soit accompagné de celui de mon épouse actuelle dont j’aurais adressé les compliments M. et Mme Foucher sans les préventions qu’on a établies contre elle. » (22 juillet.) Bibliothèque municipale de Blois. « ... Si ton mariage avait pu se faire avant le 1er septembre, je t’aurais engagé à venir passer ici avec ta femme le temps des vendanges. » (Lettre du général Hugo, 31 juillet 1822.) Bibliothèque municipale de Blois. Bibliothèque municipale de Blois. Garde des sceaux. Bibliothèque municipale de Blois. Mot illisible.

Cette démarche ne fut pas faite à temps, comme le prouve cet extrait de la lettre de Victor Hugo publié par E. Dupuy, La Jeunesse des romantiques :
« 5 octobre 1822 ... En prévoyant combien je serais contrarié du retard que tu m’annonces, tu ne t’es pas trompé. Je m’empresse aujourd’hui de t’écrire quelques mots pour te prier très instamment de faire au moins en sorte que le certificat de publication des bans m’arrive vendredi matin (11 octobre) avant onze heures. Le jour du mariage est fixé au lundi 11, et toutes les raisons que je t’ai détaillées déjà empêchent qu’il ne soit retardé d’un jour. Je recommande tout cela à cette diligence qui me prouvera ta tendresse et je finis en t’embrassant.

« Ton fils soumis et respectueux. Victor. »

Bibliothèque municipale de Blois. Abel Hugo : Romances historiques, traduites de l’espagnol. Le Figaro, 26 mai 1886. Bibliothèque municipale de Blois. Bibliothèque municipale de Blois. Bibliothèque municipale de Blois.

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