Au général Hugo.

Mon cher papa.

Au moment où je commence cette lettre, on m’apporte l’argent du mois. Les 36 francs qui y sont joints seront remis aujourd’hui même à leur destination. Les exemplaires de l’intéressant Journal de Thionville que tu destinais à l’Académie des Sciences et au rédacteur du Dictionnaire des Généraux français, sont déjà parvenus à la leur.

J’ai reçu en même temps que ta dernière lettre un paquet de M. le Secrétaire de la Société de Blois. J’aurai l’honneur de lui répondre directement dès que les nouvelles démarches que je viens d’entreprendre m’auront donné un résultat quelconque. Il est tout simple, cher papa, que j’apporte beaucoup de zèle à cette affaire : tu y prends intérêt.

Je me hâte d’en venir à ton ingénieux poëme ; il me tardait de te dire tout le plaisir que j’ai éprouvé à le lire. Je l’ai déjà relu trois fois et j’en sais des passages par cœur. On trouve à chaque page une foule de vers excellents, tels que

Et vendre à tout venant le pardon que je donne,


et des peintures pleines de verve et d’esprit, comme celle de Lucifer prenant sa lunette pour observer l’ange. Plusieurs de mes amis, qui sont en même temps de nos littérateurs les plus distingués, portent de ton ouvrage le même jugement que moi. Tu vois donc, bien cher papa, que je ne suis pas prévenu par l’amour profond et la tendre reconnaissance que je t’ai vouée pour la vie. Ton fils soumis et respectueux,

Victor.

Paris, 8 août.

Je crois en vérité M. le général d’Hurbal introuvable. J’ai été à Meudon inutilement. J’espère être plus heureux un de ces jours.

J’attends toujours un mot de M. de Lourdoueix qui ne peut se faire attendre maintenant que la session est presque finie.

Encore un mot, cher papa, malgré l’heure de la poste qui me presse, je ne puis m’empêcher de te dire combien il m’a semblé remarquable que tu aies mis si peu de temps à faire ton joli poëme ; — parle-moi de ta santé, de grâce, dans ta prochaine. — Ce projet d’aller passer les vendanges près de toi était charmant, j’y ai reconnu toute ta bonté ; mais il faudra remettre ce bonheur à l’année prochaine ; rien alors ne l’entravera.

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