Monsieur le général Hugo, à sa terre de Saint-Lavare, près Blois.

Paris, 18 juillet 1822.

Mon cher papa.

Je suis dans la joie, et je m’empresse de t’écrire pour que tu sois heureux de mon bonheur, toi qui y as contribué, toi à qui il est réservé de l’achever. J’ai enfin obtenu mon traitement académique. Le Roi m’accorde, ainsi qu’à mon honorable confrère, M. Alex. Soumet, une pension de 1 200 francs sur sa cassette. Je te transmets cette heureuse nouvelle sous le secret, parce qu’une autre pension va m’être incessamment donnée au ministère de l’Intérieur (j’en ai l’assurance positive de M. de Lourdoueix) et qu’il serait à craindre que la publicité de l’une ne gênât l’émission de l’autre. Reçois donc ici, mon bien cher papa, tous les remerciements de ton fils pour ce que tu as fait pour lui dans cette occasion et pour ce que tu vas faire encore ; car c’est maintenant que j’attends tout de ton cœur et de ta bonté.

Oui, cher papa, le moment que dans ta tendresse pour moi, tu as appelé comme moi de tous tes vœux et hâté de tous tes efforts, est venu. Je sais bien que ta sollicitude paternelle va me représenter ici que 1 200 francs ne suffisent pas pour tenir une maison ; mais il faut ajouter à ces 1 200 francs une somme au moins égale, produit de mon travail annuel ; ensuite, mon cher papa, mon intention n’est pas de tenir maison. J’ai la certitude que, sitôt que tu auras fait connaître tes désirs à M. et Mme Foucher, ces bons parents seront heureux de garder leur fille et leur gendre auprès d’eux ; leur logement s’y prête à merveille, et tu sentiras maintenant, cher papa, que vivant comme une seule famille et un seul ménage, 2 400 francs seront plus que suffisants pour l’entretien de tes enfants. Joins à cela, ce qui doit achever de lever toute difficulté, que cet arrangement pourra durer jusqu’à ce que mes revenus, accrus par l’extension de mon travail et la pension qui m’est promise si positivement au ministère de l’Intérieur, me permettent d’avoir ma maison et mon ménage. Tu vois, mon cher papa, combien toute inquiétude est désormais impossible, et je suis certain que tu seras aussi heureux que moi-même de la félicité que va m’apporter ta prochaine lettre.

Tu écriras sans doute aussi en même temps à l’excellent monsieur Foucher dont les favorables dispositions me sont connues et qui n’attend plus qu’un mot de toi. C’est une famille, mon cher papa, à laquelle tu t’applaudiras en tout temps d’avoir associé la tienne.

Adieu, mon cher et bon papa, j’espère que ta santé s’améliore toujours, m’en donner l’assurance dans ta prochaine lettre, ce sera ajouter un bonheur à la félicité que va te devoir

Ton fils tendre, respectueux et reconnaissant,

Victor.

Nous t’embrassons tous ici bien tendrement.

Les nouvelles recherches que je viens de faire relativement à la Société de Blois ont été infructueuses. Mande-moi tes intentions à cet égard.

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