À Monsieur Z…, rédacteur au Journal des Débats

[27 juillet 1824.]

Monsieur,

Je vois avec un chagrin véritable que vous m’avez mal compris, pour le fond et pour la forme. Il m’est impossible de me figurer comment vous avez pu voir un ordre d’insertion dans la prière, ce me semble, très polie que contient à cet égard ma réponse à votre article ; et surtout comment vous avez pu trouver une apologie de mes nouvelles Odes dans ce qui n’est qu’une réfutation, peut-être assez mesurée, de votre ingénieux paradoxe sur les classiques et les romantiques.

Vous voulez bien promettre à ces nouvelles Odes l’honneur de les examiner une seconde et dernière fois. Je suis flatté d’être l’objet de tant d’attention de votre part ; mais j’avoue que j’attendais plutôt une réplique à ma réponse qu’un nouvel article sur ces Odes. Je vous abandonne d’avance ces compositions, si vulnérables sous tous les rapports ; mais je crois que lorsque vous aurez très facilement prouvé que mes vers sont mauvais, il vous restera encore à démontrer que votre théorie littéraire sur le classique et le romantique n’est pas erronée ; et c’est là, permettez-moi de vous le dire, monsieur, le véritable point de la question.

Permettez-moi de vous dire encore que je n’adopte point le mot de romantique avant qu’il ait été universellement défini. Mme de Staël lui a donné un fort beau sens et je déclare ne pas lui reconnaître d’autre acception.

Quoi qu’il en soit, je me féliciterai toujours, monsieur, d’avoir fourni au public, fût-ce à mes dépens, l’occasion de lire un nouvel article de vous.

J’ose réclamer encore de votre obligeance l’insertion de cette lettre au Journal des Débats. L’expression d’ordre qui vous est échappée a fait naître mille interprétations dont vous ne voudrez pas me laisser subir le désagrément, et je veux vous laisser le plaisir de réparer vous-même le tort que vous me causez involontairement en déclarant que mes ordres dans cette occasion se sont bornés à l’envoi pur et simple de ma lettre, absolument telle qu’on a pu la lire dans le Journal des Débats — au taux d’insertion près.

V. H.

Monsieur le général comte Hugo, Blois.

Ce 29 juillet [1824].

Mon cher papa.

Tes lettres, toujours si empreintes de tendresse et de bonté, sont un de nos bonheurs. Cependant nous attendons avec impatience le moment où elles seront remplacées par ta présence, plus chère et plus précieuse encore.

Remercie bien ton excellente femme de son attention délicate pour ma fête. Je ne saurais te dire combien j’en ai été touché, ainsi que mon Adèle. Remercie-la encore de l’envoi de beurre qu’elle nous promet ; cela nous sera fort utile cet hiver. Seulement nous désirons qu’elle soigne sa santé et se donne le moins de peine possible.

Louis est ici depuis huit jours, et nous l’avons revu avec grand plaisir. Nous espérons que sa présence ici hâtera la tienne. Le colonel est obligé de repartir pour Tulle dans la première quinzaine de septembre.

Le contre-coup de la chute de mon noble ami a tué la Muse Française. C’est une histoire singulière que je ne puis te conter par lettres. As-tu lu celle que j’ai adressée à ce vieux renard d’Hoffmann ? Je ne sais trop ce qu’il y pourra répondre.

Adieu, cher et excellent père, mon Adèle, qui se porte à merveille, t’embrasse ainsi que ta femme bien tendrement et je m’unis à elle en cela comme en tout.

Ton fils respectueux et dévoué,

Victor.

L’état de notre pauvre et cher Eugène est toujours le même. Cette stagnation est désespérante.

Abel se porte bien.

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