À Monsieur le baron Taylor.

Ce samedi 13 [janvier 1827].

Mon cher Taylor, il vient de se faire une tragédie dans ma famille, et je n’ai pas besoin, je pense, de vous dire qu’elle n’est pas de moi.

Je n’eus jamais prétentions si hautes !

C’est mon jeune beau-frère, qui, (soit dit en passant), pousse l’attachement pour vous jusqu’à la passion, c’est Paul qui est le coupable.

Or, je ne vous ferai pas ici l’éloge de cette tragédie, parce qu’il serait tout à fait suspect dans ma bouche ; mais je ne croirai point m’aventurer en affirmant qu’elle n’a rien à céder à bon nombre de celles qui de temps immémorial sont reçues, montées, représentées et applaudies aux Français.

Seriez-vous donc maintenant assez bon pour nous indiquer quelle serait la marche la plus courte à suivre pour faire arriver notre tragédie au comité des Français. Le jeune poëte désirerait fort être dispensé, s’il est possible, de la formalité de l’examen préalable ; mais il faut d’abord que cette dispense ne viole en rien l’usage établi.

Si vos nombreuses et importantes occupations vous permettaient par aventure de prendre connaissance de la pièce avant qu’elle ne fût présentée, il est inutile de vous dire que vos conseils seraient reçus par Paul avec reconnaissance et avec bonheur.

Le sujet de l’ouvrage est Côme de Médicis.

Je dois ajouter, pour rendre à chacun ce qui lui est dû, qu’il n’y a pas dans la pièce une idée, un vers, un mot qui vienne de moi.

Adieu, mon cher et noble ami, mille pardons d’une importunité qui vous aurait donné l’ennui de ma visite, si la route était plus praticable de mon pôle arctique de la rue de Vaugirard à votre pôle antarctique de la rue de Bondy.

Tout à vous, partout et toujours.

. Hugo.

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