Monsieur A. Vacquerie, à Villequier.

Me voici enfin tout à fait de retour à Paris, et ma première lettre est pour vous, mon jeune et cher poëte. J’ai voyagé, puis j’ai fait une petite villégiature à Auteuil, et maintenant la ville me tient comme on disait dans la belle langue d’Horace. Vous me faites lire des vers qui prouvent que la nôtre n’est pas moins belle. Vous pensez à moi dans l’inspiration, vous mettez mon nom à vos vers, vous laissez mon ombre se refléter quelquefois dans votre doux et charmant ruisseau de poésie. Merci. Je ne suis plus guère bon qu’à vous jeter quelques feuilles vertes ou non que votre eau emportera. Ce que rien ne pourra emporter, c’est la bonne et tendre affection que je vous ai vouée comme à un jeune frère. Continuez, vous aussi, mon poëte, de m’aimer, et d’aimer la nature et l’art. Aimer Dieu dans son œuvre, et puis s’aimer les uns les autres, voilà la vraie et bonne vie. Le regard affectueux des hommes pour les hommes est aussi doux que les rayons du ciel. Je vous serre la main.

Victor H.

Paris, 3 octobre [1837].

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