À Monsieur de Custine.

12 octobre 1837.

J’ai fait cent courses, j’ai été en Flandre, j’ai vu Bruxelles et Anvers, les manufactures belges et les tableaux de Rubens, ce que l’industrie a de plus insipide et ce que l’art a de plus beau. Me voici enfin de retour à Paris où m’attendait votre bonne et cordiale lettre. Je voudrais pouvoir vous dire à quel point j’en ai été touché. Mais il y a des cas où ce qu’on voudrait exprimer est si au-dessus de ce qu’on sent qu’il vaut mieux se taire. N’est-ce pas que vous comprenez cela ? Votre lettre m’a été au cœur.

Vous êtes trop bon pour ces vers. Ils n’ont d’autre mérite que de provoquer par moment les épanchements d’une âme comme la vôtre.

Vous avez raison, Olympio est un symbole, toute noble nature calomniée et méconnue peut trouver là quelque chose de sa figure, vous avez bien compris Olympio. Au reste, que ne comprenez-vous pas !

Je pense que cette lettre vous trouvera à Saint-Gratien. Voici l’automne et les grands souffles de l’hiver. Vous êtes sans doute de retour de vos eaux chaudes comme moi de mes eaux salées (car j’ai revu l’océan, cela va sans dire). Je voudrais que cette lettre vous saluât à votre arrivée ici comme la vôtre m’a accueilli à ma rentrée à Paris. Je serai heureux si vous avez en me lisant quelque ombre de la joie que j’ai eue à vous lire.

Je suis accablé d’affaires, de travaux, de théâtres, de libraires, d’ennuis que je tâcherai de rendre au public. Vous, je vous rendrai de l’amitié.

Ma femme va partir pour les Roches — quelques jours, une semaine tout au plus. — Je ne pourrai l’y suivre même pour si peu de temps. Je suis cloué ici par Védel, Harel et Renduel. Voilà trois el sur lesquelles un plus joyeux que moi ferait quelque bout rimé. Je n’ai même pas la ressource de cette vengeance.

À bientôt, n’est-ce pas ? J’ai dîné aujourd’hui avec Boulanger. Nous avons bien parlé de vous. Nos quatre mains serrent les deux vôtres. — À vous de toda aima.

Victor Hugo.

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