À Madame Victor Hugo.

Aix-la-Chapelle, 5 septembre 1840.

Je pense, chère amie, que tu as dû recevoir hier les douze premières pages de mon Journal. Je t’en envoie aujourd’hui la suite, en désirant beaucoup que cela vous intéresse tous un peu. Je suis à Aix-la-Chapelle et je pars demain pour Cologne. De là, je compte remonter le Rhin le plus haut possible. Dans deux ou trois jours, je t’enverrai mon trajet de Liège à Aix-la-Chapelle. Dis à ma Didine de me suivre sur la carte. J’espère que j’aurai de vos bonnes nouvelles à tous à Mayence. J’en ai déjà bien besoin. Il me semble qu’il y a un siècle que je vous ai quittés et je me rappelle avec un serrement de cœur la figure en larmes de mon pauvre Toto sur le seuil du père Bontemps. Travaillez bien, mes chers enfants. Mon Charlot, songe à ta présence parmi les forts en cinquième. Et toi aussi, mon Toto, tu vas débuter au collège ; il faut le faire dignement. Jouez bien aussi. Écrivez-moi tous de grandes lettres, vous entendez, mes bien-aimés, tous, y compris ma chère petite Dédé. J’espère que son poulet, son pigeon, son chevreau, son chat et son lapin ne l’empêcheront pas d’écrire à son papa. Je lui recommande aussi de bien travailler et d’obéir à sa sœur, qui est grande et sage. Ce qui ne veut pas dire pourtant que Dédé ne soit pas sage. Je compte que sa bonne chère maman est contente d’elle.

Dis à ton père, mon Adèle, que je le regrette à chaque instant dans cette belle excursion où tout l’intéresserait, où je voyage sans livres avec mes seuls souvenirs et où tout ce qu’il a dans la tête aiderait si bien le peu qu’il y a dans la mienne. Et puis je vous regrette aussi tous, et je voudrais vous avoir là près de moi, chères têtes que j’embrasse et que j’aime.

V.

Toutes mes amitiés à Boulanger si tu le vois, à Robelin, à M. Prieur, à tous ceux de nos amis qui t’iront voir.

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