À Monsieur Émile Deschanel, élève à l’École Normale.

Saint-Prix-la-Terrasse, 27 août 1840.

Je suis à la campagne, monsieur, dans les jeunes pousses, dans les jeunes plantes, dans les jeunes verdures ; vous êtes au cloître, vous, dans les vieux livres, dans les vieux philosophes, dans les vieux penseurs ; nous sommes dans la poésie tous les deux : moi, je lis Virgile à travers la nature ; vous, vous rêvez la nature à travers Virgile. Ne nous plaignons pas, quand le ciel est bleu, et quand les livres sont ouverts.

Vos vers sont doux, graves et charmants. Ils viennent de votre âme et n’en sont que le rayonnement mystérieux. Un peu de lumière intérieure qui s’échappe au dehors par les fêlures du cœur, voilà en effet la poésie des vrais poëtes.

À Madame Victor Hugo, à Saint-Prix.

Paris, 29 août, midi.

Je vais partir dans un instant, chère amie, et je t’écris comme je te l’ai promis. Je suis triste. Je t’aime bien, crois-le, mon Adèle, et dans ce moment-ci je voudrais que tu pusses voir avec quelle tendresse je pense à ma bien-aimée colonie de St-Prix.

Je m’en vais par Soissons, comme l’an dernier. Je remarque qu’on trouve toujours plus facilement des places pour le Nord que pour le Midi. Dis à mon Charles et à mon Toto que je serai bien content d’eux s’ils travaillent bien. J’ai vu hier M. Prieur qui ira prochainement vous voir tous. Attends-toi aussi à revoir d’un moment à l’autre Mme Ménessier que j’ai vue et invitée de ta part. J’ai fait également visite à Mme de Girardin et je l’ai priée de te faire envoyer la Presse à St-Prix. Voici une lettre de Louis.

Je t’écrirai de ma prochaine étape. Je vous embrasse tous bien tendrement, ma Didine, ma Dédé, mes chers petits lauréats, tous, et je serre la main de ton bon père.

Aime-moi, mon Adèle, et pense un peu à moi.

V.

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