À M. Pierre Vinçard.

2 juillet 1841.

Monsieur,

Puisque vous me faites l’honneur de m’envoyer votre article, je le considère comme une lettre, et j’y réponds. Je n’ai pas dit : la populace, j’ai dit : les populaces. Dans ma pensée, ce pluriel est important. Il y a une populace dorée comme il y a une populace déguenillée ; il y a une populace dans les salons, comme il y a une populace dans les rues. À tous les étages de la société, tout ce qui travaille, tout ce qui pense, tout ce qui aide, tout ce qui tend vers le bien, le juste et le vrai, c’est le peuple ; à tous les étages de la société, tout ce qui croupit par stagnation volontaire, tout ce qui ignore par paresse, tout ce qui fait le mal sciemment, c’est la populace. En haut : égoïsme et oisiveté ; en bas : envie et fainéantise : voilà les vices de ce qui est populace. Et, je le répète, on est populace en haut aussi bien qu’en bas. J’ai donc dit qu’il fallait aimer le peuple ; un plus sévère eût ajouté peut-être : et haïr la populace. Je me suis contenté de la dédaigner.

Ce que je ne dédaigne pas, monsieur, c’est la plainte d’un homme de cœur et de bonne foi, même quand il est injuste. Je cherche à l’éclairer : c’est pour moi un devoir de conscience. Ce devoir, vous voyez, monsieur, que je tâche de le remplir.

Recevez, je vous prie, l’assurance de mes sentiments très distingués.

Victor Hugo.

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