À Ulric Güttinguer.

À l’Assemblée, 10 juillet 1848.

Cher Ulric, nous sommes hors du combat, mais nous sommes toujours dans le tumulte. Je pense à vous qui êtes au milieu des arbres et des fleurs et je vous écris. Vous voyez les orages de la mer, moi j’en vois d’autres et je vous envie. Prenons courage pourtant. Il est impossible que la civilisation s’écroule, mais il faut que l’humanité s’aide. Dieu sera pour la France, mais il faut que la France soit pour Dieu. Ayons la foi, nous aurons la force. La plaie est saignante et profonde, mais qui peut donc dire au médecin suprême : tu ne la guériras pas.

Quant à moi, j’espère. J’espérais, dans les journées de juin, sous une pluie de balles ; j’espérais, sachant ma famille au pouvoir des insurgés, je comptais sur Dieu, j’avais une ferme foi, pas une balle ne m’a atteint, pas un des miens ne m’a manqué.

Cher poëte, cher penseur, ce n’est pas à vous qu’il faut enseigner la bienveillance, l’amour et la foi. Ce sont vos leçons que je vous renvoie. Oui, les nouveaux doctrinaires du pillage et du vol sont exécrables, mais le peuple est bon. Il y a toujours en lui quelque chose de Dieu.

Oh ! que je voudrais être près de vous, au milieu de la nature, avec ma famille, avec la vôtre ! Hélas ! je tourne ici la meule fatale des révolutions. Je serai peut-être un des premiers qu’elle broiera, mais je veux qu’elle broie un cœur plein de confiance et d’amour.

Je vous serre les deux mains et je vous aime.

V.

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