À André Van Hasselt.

Jersey, 18 août 1852.

Je suis en pleine poésie, cher poëte, au milieu des rochers, des prairies, des roses, des nuées et de la mer, et tout naturellement je pense à vous.

Si vous étiez ici, quels beaux vers vous feriez ! Les vers sortent en quelque sorte d’eux-mêmes de toute cette splendide nature. Quand l’horizon n’est pas magnifique, il est charmant.

Je m’installe demain dans une petite niche au bord de la mer que les journaux de l’île qualifient ainsi : Une superbe maison sur la grève d’Azette. C’est une cabane, mais dont l’océan baigne le pied.

Nous parlons de vous en famille ; ma femme et ma fille lisent vos beaux volumes que je leur ai apportés. Charles et moi, nous leur racontons nos courses à Louvain, à Hal, en votre compagnie ; nous vous regrettons, nous vous désirons.

Il y a, à cinq ou six lieues en mer, un rocher énorme, une île qu’on appelle Serk. C’est une espèce de château de fées, plein de merveilles. Un bonhomme appelé Ludder ou Lupper vient d’en acheter la seigneurie moyennant 6 000 livres sterling. Voilà une de ces occasions où les poëtes envient les millionnaires. Je voudrais avoir une île comme cela et la donner à madame van Hasselt. Elle serait bien forcée d’y venir. Nous aurions, poëte, vos douces causeries. Ce serait encore moi qui serais le plus riche.

Charles vous embrasse. Je vous serre la main, et je mets tous mes plus tendres hommages aux pieds de votre gracieuse et charmante femme.

Victor Hugo.

Embrassez pour moi votre cher enfant. Ci-joint une première page pour votre exemplaire de Napoléon-le-Petit.

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