À Madame Victor Hugo.

Bruxelles, 29 février.

Je ne puis, chère amie, t’écrire que deux lignes. On vient tout à l’heure chercher cette lettre pour toi, et je n’ai pas pu me résigner à laisser passer une occasion sans t’écrire. Charles dîne en ville, ce qui lui fera manquer de te mettre un mot au bas de la page. Nous nous plaignons un peu de vous tous et de toi, dont les lettres nous sont une si grande joie. — Depuis l’arrivée de Charles, nous t’avons écrit trois fois. Cette lettre-ci est la 4e et nous n’avons reçu au goum qu’une lettre, et bien courte encore. N’oubliez donc pas, les uns et les autres, que les proscrits sont des affamés : affamés de famille et de patrie. Il faut leur écrire longuement et souvent.

M. Hem, qui te portera cette lettre, est l’associé de Méline. Il va à Paris pour la question de la contrefaçon. Si tu causes avec lui, il te fera comprendre les difficultés actuelles d’une affaire avec la librairie belge. N’oublie pas du reste que j’ai reçu 300 000 francs des Gaillard et Rampin il y a douze ans, et que je ne puis me laisser offrir moins aujourd’hui. Il m’a annoncé qu’après les questions de la contrefaçon réglées, Méline me ferait des offres sérieuses. J’en attends d’ailleurs d’autres de Londres. J’ai déjà eu de fort bonnes ouvertures. Mon 2 décembre ne pourra être publié qu’en Angleterre.

Je travaille sans relâche. J’ai pourtant fait faire hier à Charles une excursion à Louvain qui l’a grandement intéressé. Il te la contera. Girardin vient de m’écrire qu’il avait des offres à faire à Charles. Nous verrons. Il n’y a que l’immédiat qui puisse faire travailler Charles.

J’attends de Victor, d’Adèle, de toi, de tous, de longues et prochaines lettres. J’espère que mes deux enfants bien-aimés se portent bien, et toi aussi que j’embrasse bien fort. Amitiés les plus tendres à Auguste, à Paul Meurice. Hommages aux pieds de Mme Paul.

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