À Madame Victor Hugo (Madame Rivière.)

Bruxelles, 11 mars 1852.

Cette fois M. Coste part, un peu imprudemment peut-être. Il te remettra cette lettre, chère amie, et ce tas d’autres lettres. Dis à mon Victor et à mon Adèle qu’ils auront bientôt les leurs. Ils savent que je paie toutes mes dettes. Charles t’écrira par la prochaine occasion. (Très prochaine.) Aujourd’hui je ne t’envoie que quatre lignes. C’est un peu court pour une lettre, c’est un peu long pour un bonjour. Prends-les avec ton doux sourire.

Je te remercie des feuilletons que tu m’as envoyés. Ils m’ont fait grand plaisir, et à Charles, Charles te donnera tous les détails de notre vie ici. Moi je suis enfoui dans mon livre. Demain vendredi, nous dînons Girardin, Dumas, Charles et moi, avec un éditeur d’ici, M. Muquardt. Cet éditeur m’annonce des offres dignes de moi, dit-il. Nous verrons. En attendant, je pioche le Bonaparte. Boichot, chassé de Suisse, est venu me voir. Il sort d’ici. Il part demain pour Londres. Il voudrait, m’a-t-il dit, servir de trait d’union entre Ledru-Rollin et moi. Je verrai. Boichot est un homme jeune, sérieux et intelligent ; il comprend à merveille la question de l’armée.

Je lui ai donné une lettre pour un ouvrier nommé Desmoulins (ami de Pierre Leroux), qui fonde en ce moment une imprimerie française à Londres, et qui me demande appui.

Tu vois que tout cela marche un peu, quoique lentement. Prenons la lenteur en patience. Ce que je ne puis prendre en patience, chère amie, c’est ton exil, c’est la prison de Victor, c’est la prison de nos amis, c’est ma fille loin de moi. Chaque jour je suis plus impatient de vous revoir tous. Ma petite Adèle, pense à moi et joue Brama à mon intention. Il me semble que je l’entends. Mille baisers à vous deux, et toute mon âme .

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