À Hetzel.

Marine-Terrace, 26 mai [1853].

Tenez-vous bien, je vous préviens que je vais faire d’immenses efforts pour être rapide et laconique. Je viens de recevoir vos deux lettres timbrées du 23 et du 24. J’attends Zéno pour conclure et je vous écris en l’attendant.

D’abord voici le bon de 1 500 francs.

Maintenant, quant à l’acte de société, je vous l’envoie avec mes notes ; mais le mieux et le plus simple est de m’abandonner entièrement à vous. S’en reposer sur une intelligente et loyale nature comme la vôtre, c’est toujours le plus sûr et le meilleur. Faites donc pour le mieux. Je signerai ce que vous m’enverrez. Oui-dà, gaîment. Je cite mon Racine, Les Plaideurs, il est vrai.

La lettre de M. Mœrtens est excellente. Il suffirait de faire commenter le traité par la lettre. Pourtant, quant aux actions indéfiniment augmentables, je persiste et vous êtes de mon avis. Veillez-y.

J’ai besoin d’argent comme un diable. N’oubliez pas, le 57 mai, de m’envoyer par M. de Pouhon, 2 000 les francs Tarride.

Ô homme charmant, mais léger, que vous êtes ! Vous ne lisez même pas mes lettres. Il y a un mois que je vous ai répondu, quant à Claude Gueux et              , que je ferais avec plaisir ce que vous désiriez. Envoyez-moi, sur les bases de notre traité Marescq, une lettre un peu détaillée qui fasse traité. Je vous répondrai par l’acceptation et vous pourrez marcher.

Quant au volume nouveau, faites faire vous-même le traité, en reproduisant (sauf la répartition des produits) le traité Tarride pour Nap.-le-Petit, et en ajoutant les 150 fr. par mois au répondant en cas de prison, lesdits 150 fr. payés par les partageants dans la proportion de leurs parts. Cette proportion est convenue, je n’y change rien, bien entendu. Et puis, rédigez vous-même, en tête, le préambule que vous désirez pour bien assurer le droit de propriété pris en Belgique. Au besoin, faites rédiger ce préambule par quelque avocat belge de mes amis (M. Funck). — À propos, et la propriété en France ? Où en est le procès en contrefaçon que vous vous faites à vous-même ?

Vous me dites de vous envoyer le manuscrit. Pourquoi ? puisque nous allons imprimer ici ? Je vous enverrai les épreuves au fur et à mesure, vous imprimerez bien plus aisément et bien plus correctement que sur de l’écriture, et l’édition châtrée marchera de front avec le cheval entier.

Je marquerai les suppressions, et vous supprimerez en outre ce qu’il vous plaira. Nous verrons ce qui restera. Ferdousi affirme qu’il y a de beaux eunuques. Hélas ! triste beauté ! Heureusement nous aurons à côté le vrai monstre vivant.

J’ai reçu aujourd’hui de Marescq le compte de mars. Non, la vente n’avait pas baissé. On était toujours dans les 10 900.

Charles en effet est devenu un excellent photographe (prononcez avec soin). Voici de ses œuvres : moi — Charles — l’autre Victor Hugo. Ultimus.

Je vous dirai qu’il y a toutes sortes de préméditations dans cette photographie. Nous rêvons des illustrations d’ouvrages (plus les ouvrages) tout à fait neuves et originales. En attendant regardez mon portrait. Que diriez-vous de vendre cela ? On en ferait un tirage pouvant aller avec les 4 sous, (parlez-en à Marescq) et un autre, petit format, pouvant se relier avec Nap.-le-Petit, et le volume nouveau. Vous n’auriez aucun déboursé à faire. Vous diriez à Charles ce que, selon vous, cela pourrait se vendre (les estampes photographiques de Blanquart Evrard se vendent 2 fr.) à Bruxelles, chez Tarride, à Londres, chez Jeffs, à Paris, chez Marescq, etc. Charles vous les enverrait par 100, par 200, etc. Quand ce serait vendu, vous prélèveriez votre commission, et vous enverriez ici l’argent. Ce serait une corde de plus à l’arc de tout le monde. Qu’en dites-vous ? Charles peut vous envoyer des choses admirables. Il en fait.

Œuvres oratoires. Il faudra un bout de préface, avertissement des éditeurs, avant-propos, etc., où l’on expliquera quels sont les discours écrits et les discours improvisés, etc. Prévenez-moi quand vous le voudrez. Je le ferai faire ici par Vacquerie. Tarride le signera. — Je suis charmé d’avoir été dans les mains de Marc Dufraisse. Vous savez que c’est un des hommes que j’aime et dont je fais le plus grand cas, cœur, esprit, caractère et talent. Est-ce qu’il a pu renouer le fil cassé par Cappellemans ? Comment s’est-il débrouillé dans tout cela ? S’il avait besoin de quelques indications de moi, dites-lui bien que je suis à sa disposition. Et par-dessus tout, faites-lui de ma part des effusions de remercîments.

Onze heures du soir. J’attendais Zéno. Voici du nouveau. Tout est rompu avec lui. Sur vos précédentes lettres (hélas ! inconvénient de ces correspondances à propos interrompus), j’avais dénoué la chose, en le prévenant qu’on lui paierait ses petits frais. Il paraît qu’il s’était un peu piqué. Aujourd’hui quand j’ai voulu renouer, ce n’était plus le même homme. Il est revenu sur tout ce qu’il avait concédé, faisant obstacle et difficulté de tout, etc. Ce que voyant, je l’ai pris de haut, et j’ai rompu. Rompu définitivement. Du reste tout cheval qui se dérobe est un mauvais cheval, je ne regrette pas Zéno. N’en parlons plus.

Faites en sorte seulement que nous n’ayons pas à Bruxelles le contre-coup des exigences Zéno, mettez à cela toute votre force d’esprit. Car me voici revenu à Bruxelles. Il n’y a plus que votre combinaison. Donc imprimons les deux éditions en Belgique. Mais avez-vous le caractère perle ? Dès que vous me répondrez oui, je vous enverrai le manuscrit. Hâtez-vous de me répondre.

Plus une minute à perdre. Chaque minute perdue vaut de l’or.

On ferait clandestinement chez nous l’édition complète et chez Labroue ou Mœrtens l’expurgée. Revenons à toutes vos combinaisons pour l’envoi des épreuves, etc. J’enverrai le manuscrit par tiers. À quelle adresse le premier tiers ? (Poste restante, cela n’a-t-il pas des inconvénients ?) Faut-il charger le paquet à la poste ? Quelles sont, en ce cas, les formalités ? Répondez-moi vite avec précision et détail. À vous. Ex imo.

N’oubliez pas, le 31 mai, les 2 000 fr. Tarride.

Vite ! vite ! Dépêchons-nous !

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