À Paul Meurice.

Marine-Terrace, 26 juin [1853].

Je vous écris tous les jours, recevez-vous mes lettres ? j’en charge les vents, comme faisait Virgile ; toutes mes pensées, cher poëte, vont à vous. Quand vous reverrai-je ? Vous travaillez, je le sais, et j’ai peur que vous ne nous veniez pas cette année. Je crois bien aussi que ce n’est pas nous qui irons vers vous. Les destinées de tous sont encore à peine à moitié chemin. Écrivez-nous souvent, non des lettres idéales, comme celles que je vous envoie à travers les gros nuages pluvieux de cet horrible été menteur ; mais de bonnes lettres réelles, des lettres en chair et en os, des lettres dont le facteur demande le port, des lettres qu’on ouvre en famille avec des appels de joie dans toute la maison.

Cher ami, je vous donne mille peines et vous me rendez mille joies. Vos petites lettres aux lignes microscopiques sont une bonne partie de notre bonheur. Exulibus epistolae dulces, dit Cicéron.

Je vous remercie de tous vos bons soins pour l’affaire Guinard, et pour la rectification de Charles. La publication a fait excellent effet. Est-ce que vous serez assez bon pour transmettre ce mot à Hipp. Lucas dont j’ignore l’adresse actuelle. Ma prochaine lettre vous portera une lettre pour Laurent Pichat. Son article est plein de talent et de cœur ; par tous les côtés affectueux et littéraires, il m’a vivement touché. Dites-le lui, je vous prie, en attendant que je le lui écrive. Je vous enverrai aussi un mot pour M. Tournachon Nadar. — Vous ne sauriez croire comme il m’est difficile de trouver le temps d’écrire les lettres qui me tiennent le plus au cœur, tant je suis accablé de travail, de tiraillements, et de toutes les arides correspondances des affaires.

Je pense que le mois théâtral aura été bon, grâce à ces affreuses pluies. (En voilà un été qui manque de parole ! Il aurait été digne de présider une république. Promettre juin et donner novembre !) J’aurai plusieurs paiements à faire dans le courant de juillet. Les droits d’auteur que vous toucherez pour moi pourront y servir.

Mad. Meurice a écrit à ma femme une lettre charmante. Dites-le lui bien pour qu’elle recommence, et mettez-moi vous-même à ses pieds. Et puis je vous aime, et puis je vous désire et puis j’envoie à votre doux et noble et grand esprit toutes mes tendresses. Autour de moi toutes les mains se tendent vers vous.

Je fais cette lettre insignifiante. J’espère que de la sorte, fût-elle même ouverte, elle vous parviendra.

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