À Hippolyte Lucas.

Marine-Terrace, 26 juin 1853.

D’abord, mon cher poëte, un serrement de main pour votre succès, puis un autre, puis dix autres pour votre bonne pensée de passer par Jersey, cette année, en allant en Bretagne. Votre succès charme ma bourse un peu plus aplatie, hélas ! en ce moment. Votre venue et celle de votre famille nous vont au cœur, et, comme disait Rabelais : melius est cor quam gula. Arrivez-nous donc et nous ne serons plus des exilés et des proscrits.

L’été est triste, cette année ; maussade comme une tragédie, pluvieux comme une élégie, je gage que Jersey vous attend pour redevenir idylle.

Cependant le temps qui nous attriste doit faire merveille au théâtre. Le bon saint Médard, qui pleure des larmes d’or dans les caisses des spectacles, est le vrai saint du calendrier. Si jamais je bâtis un théâtre, je construirai dans la chapelle de location une niche à saint Médard. Tout ceci veut dire, cher poëte, que vous devez faire beaucoup d’argent et que je vous remercie de m’enrichir. Tout va bien ici ; je suis au milieu d’un petit peuple libre et qui m’aime un peu. Je travaille beaucoup, je me promène au bord de la mer, malgré la pluie. Je pense à vous tous, malgré la distance et je vous serre la main.

Victor Hugo.

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