À Noël Parfait.

Marine-Terrace, 29 octobre [1853].

Que devenez-vous ? que devient Bruxelles ? que devient le boulevard Waterloo ? Quant à Dumas, nous avons de ses nouvelles. Il nous tombe chaque matin une page étincelante qui nous dit : le bon cœur et le grand esprit se portent bien. Votre dernière lettre nous a charmés, cher proscrit ; c’était un charmant petit journal intime qui ressemblait à votre sourire. Charles disait : c’est Parfait. — Et nous répétions tous ce calembour auquel le bon Dieu vous a attaché.

Vous avez eu, il y a quelque chose comme deux mois, une ravissante fête de nuit ; La Presse nous l’a racontée d’après L’Indépendance belge (article signé d’un D majuscule et d’un esprit charmant qui signifient Deschanel) ; puis ladite fête m’est revenue toute chaude de New-York par le Républicain,, de Californie par le Messager de San-Francisco, de Rio-Janeiro par le Correio national et de Québec par le Moniteur canadien. Contez la chose à Dumas pour qu’il voie que ses fêtes ont autant de succès que ses livres. Contez-la aussi à Deschanel qui ne sera point fâché d’avoir été réimprimé par les quatre points cardinaux.

L’équinoxe souffle énergiquement ici ; mais c’est égal, nous vivons dans un calme profond ; le ciel pleure, la mer gueule dans les rochers, le vent rugit comme une bête, les arbres se tordent sur les collines, la nature se met en fureur autour de moi ; je la regarde dans le blanc des yeux et je lui dis : — De quel droit te plains-tu, nature, toi qui es chez toi, tandis que moi qui suis chassé de mon pays et de ma maison, je souris ? — - Voilà mes dialogues avec la bise et la pluie. Usez-en de votre côté dans l’occasion.

Le livre que vous savez va enfin paraître. Quand vous verrez tous mes amis si chers, Charras, Deschanel, Place, Laussedat, Labrousse, Madier, notre éloquent et courageux Madier, — serrez pour moi toutes ces mains. Mettez-moi aux pieds de madame Parfait et de mademoiselle Marie. Et puis je suis à vous de tout mon cœur.

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