À Paul Meurice.

4 décembre 1853.

Savez-vous cela ? Le bruit de votre succès arrive jusqu’à Marine-Terrace. Le vacarme de la mer qui cogne notre jardin ne nous empêche pas d’entendre les salons de Paris qui applaudissent votre beau et charmant livre. Nous continuons à le lire en nous disputant à qui aura le premier le journal. Hier la poste nous a joué un tour, elle nous a apporté deux fois le même numéro. Un au lieu de deux, jugez l’étendue de ce désappointement pour des gens qu’émeut jusqu’au fond de l’âme cette adorable Marthe !.

Je profite de ce que vous tournez la page pour vous parler un peu de mes affaires. Un excellent et cordial feuilleton de Gautier m’apprend (voulez-vous l’en remercier de ma part ?) qu’on joue Lucrèce Borgia aux Italiens. Or, de quelle façon joue-t-on cela ? Est-ce d’accord avec Guyot, et en payant 10 pour cent sur la recette aux termes de mon traité avec Vatel, avec Lumley, etc... ? ou est-ce d’autorité, de haute lutte et sans payer de droit ? Soyez assez bon, cher curateur du proscrit, pour voir Guyot et savoir cela. Le plus tôt possible serait le mieux. Je pense que, dans le dernier cas, Guyot aura de lui-même fait les actes conservatoires, sommation d’huissier, etc. Voudrez-vous bien vous en informer ? Si le Théâtre Italien ne donne pas les 10 pour cent, et je ne veux d’aucun autre arrangement, il faut que Guyot le poursuive sur-le-champ. Il y a arrêt, devenu définitif et souverain. Je ne pense pas que la Cour impériale donne un soufflet à la Cour royale, qui est elle-même. Dans tous les cas, ce serait curieux. — Ayez donc, mon poëte, entre deux chapitres, la bonté de courir un peu chez Guyot et de mettre les fers au feu, si le Théâtre Italien ne s’exécute pas. S’il accepte et exécute le traité Lumley, c’est bien, qu’il joue Lucrèce, Angelo, Hernani, tout ce qu’il voudra. Hélas ! l’exil a peu le sou, et puisque le régime ne veut pas qu’on me paie des droits d’auteur en français, je serai charmé d’en toucher en italien.

Avez-vous revu Gosselin ? a-t-il une réponse de Renduel et de Pagnerre ?Rappelez-lui que je l’ai prié de m’envoyer une copie du traité de 1831 relatif justement à cette affaire.

Prenez tout mon cœur pour vous et donnez-en un peu à votre charmante femme.

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