À Mademoiselle Louise Bertin.

Marine-Terrace, 21 mars 1854.

Votre lettre, mademoiselle, nous a touchés au fond de l’âme. Ces deux hommes qui sont près de moi, et que vous appelez avec tant de bonté vos enfants, l’ont lue et relue, et il leur semblait entendre toutes les douces voix de l’enfance restées sous les grands arbres des Roches. L’ancien Charles et l’ancien Toto se sont mis à parler de « Louise » comme d’une mère pendant que, moi, j’en parlais comme d’un esprit. Tout ce beau passé est revenu rayonner au milieu de nous, et il m’a semblé un moment que Marine-Terrace était à quatre lieues de Paris et à deux années de 1830.

Je vous remercie de nous avoir donné, avec quelques lignes, ce charmant éblouissement.

Vous avez été visités tous, ce mois-ci, par le bonheur, par cette aube qu’on appelle le mariage ; vous avez revu, au milieu de vos deuils, de la joie et de jeunes fronts radieux. Soyez assez bonne pour féliciter de notre part les nouveaux mariés qui vont recommencer et refaire une famille autour de vous. Nous aimons dans notre solitude cette fête qui environne nos anciens amis. Les exilés sont bons pour souffrir avec ceux qui souffrent et pour sourire à ceux qui sont heureux.

J’envie les Roches toujours vertes et où vous chantez toujours. Ici j’ai le vent, j’ai la mer ; mais tout ce grand murmure ne vaut pas pour mon oreille les doux chuchotements du passé.

Serrez pour moi, je vous prie, la main d’Édouard et la main de Janin. Ma femme et vos enfants vous embrassent. Je mets mon dévouement et mon respect à vos pieds.

V. H.

Share on Twitter Share on Facebook