À Herzen.

Marine-Terrace, 25 juillet 1855.

Cher concitoyen — car il n’y a qu’une cité, et en attendant la République universelle, l’exil est une patrie commune — vous avez une grande pensée. J’y adhère avec empressement et joie. Vous voulez diviser ce qui s’allie, les rois, et unir ce qu’on divise, les peuples. Vous voulez réconcilier la Russie, rallumer l’aube du nord, jeter un cri libre en langue moscovite, prendre la main de la grande famille slave et la mettre dans la main de la grande famille humaine. Vous faites acte d’européen, vous faites acte d’homme, vous faites acte d’esprit ; c’est bien. Vous prouvez que la politique, quand elle est haute, est la plus haute des philosophies. La revue que vous fondezsera un des plus nobles drapeaux de l’idée. Je vous applaudis, je vous remercie, je vous félicite ; et, si un tel mot convient au peu que je suis, je vous encourage.

Accablé, plus que jamais, de travaux de toute sorte, je serai pour vous plutôt un coopérateur qu’un collaborateur. Mais comptez sur tout le concours qui me sera possible et sur ma plus profonde sympathie. Vous voulez bien me demander mon adhésion ; vous voyez qu’elle va à vous d’elle-même.

Le moment est bien choisi pour jeter la parole d’union et d’amour. L’heure est formidable. Il y a des foudres et des éclairs. C’est de ces années-là que sortent les arches d’alliance.

Je vous serre fraternellement la main.

Victor Hugo.

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