À Paul Meurice.

Marine-Terrace, 25 juillet [1855].

Vous avez un grand succès et moi une grande joie. De plus, cher poëte, vous avez couronné votre noble ouvrage par une noble conduite. Votre anonyme rayonne. Vous faites de l’incognito une auréole. On dit : pourquoi donc ? et l’on se conte la chose, et l’on applaudit l’auteur autant que la pièce. Je suis heureux de tout cela. Savez-vous que c’était le jour de ma fête ? On m’a fait toutes sortes de choses charmantes et aimables ici, mais mon bouquet était à Paris. Il était fait de rayons, il s’appelait succès, et il est tombé à vos pieds, juste comme s’il s’était échappé de mes mains. Vous voilà riche. Il faut que vous veniez à Marine-Terrace avec votre ravissante et chère femme, et que vous veniez avant la fin de la saison. Les bains de mer font du bien après les averses de bravos.

Vous avez vu Auguste, et nous allons le revoir. C’est une joie qui vous quitte et qui nous revient. — Tout ce que je lis sur votre pièce, tout ce que j’en entends dire me charme. C’est beau, c’est grand. Vous avez déjà des couronnes dans ce haut drame cyclique qui touche à l’épopée où vous êtes maître. Si quelque chose me console de mon silence, cher ami, c’est d’entendre votre voix.

Hélas ! rien n’est complet. Le cheval blanc ne va pas sans le cheval noir dans le triste attelage de la vie. À côté de votre triomphe, j’apprends le deuil de Michelet. La plaie qui s’ouvre à son cœur rouvre la plaie du mien. Je lui écris. Voici ma lettre. Seriez-vous assez bon pour la lui remettre ?

À bientôt, n’est-ce pas ? Je corrige les épreuves des Contemplations. Je crois que vous serez content. Où en suis-je de mes finances ? — Nous vous aimons.

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