À Michelet.

Marine-Terrace, 24 juillet 1855.

Vous êtes frappé comme je l’ai été. La mort visite brusquement aujourd’hui votre maison comme elle visitait la mienne il y a douze ans. Vous perdez votre enfant, votre fille, votre ange, et vous pleurez. Je verse les mêmes larmes que vous, et c’est tout ce que je puis offrir à votre douleur. Ô grand esprit, voilà que vous saignez du côté du cœur. Il n’y a que le cœur qui saigne vraiment. Toutes les autres souffrances sont des sourires. Perdre son enfant, c’est là le malheur. Il n’y a pas d’autre désert dans la vie, ni d’autre exil.

Je ne dis rien à une âme comme la vôtre. Vous qui serez un des fondateurs de la patrie humaine, vous ne doutez certes pas de la patrie divine. Je crois en Dieu puisque je crois en l’homme. Le gland me prouve le chêne, le rayon me prouve l’astre ; c’est là votre symbole, et le mien. Nous retrouverons un jour les êtres chers ; votre fille est auprès de la mienne ; dès à présent, ces anges nous rient et nous éclairent ; et à votre insu même il y a des lueurs de plus dans votre cerveau. Ces clartés viennent de la mort. Cher et glorieux combattant du combat humain, pauvre père, je vous embrasse.

Victor Hugo.

Je viens de lire d’admirables pages de vous. Mais est-ce le moment de vous parler de la gloire ?

Oui, car votre gloire est « un soldat de Dieu » et est toujours de service près de la pensée humaine.

Que vos travaux, qui vous couronnent, vous consolent.

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