À George Sand.

15 juin 1856.

Pour répondre dignement à Nohant, il faudrait que Guernesey s’appelât Tibur, Ferney ou Port-Royal. Mais Guernesey n’est qu’un pauvre rocher, perdu dans la mer et dans la nuit, baigné d’écumes qui laissent à la lèvre la saveur amère des larmes, n’ayant d’autre mérite que son escarpement et la patience avec laquelle il porte le poids de l’infini. La petite île sombre est toute fière et toute heureuse de ce rayon de soleil qui lui vient de Nohant, le pays des livres beaux et charmants. Hélas ! les douleurs sont partout, les tombeaux sont partout, mais la lumière est où vous êtes, madame. Je remercie le ciel si mon livre a su toucher à votre deuil sans le froisser, et s’il m’a été donné, à moi-même qui suis triste, de mêler quelque douceur aux sanglots de votre cœur profond, ô grand penseur, ô pauvre mère !

Victor Hugo.

Share on Twitter Share on Facebook