À Paul Meurice.

Hauteville-House, 4 janvier.

Il y a urgence en effet, et je vous réponds courrier par courrier. Avez-vous le temps de voir cinq minutes mon excellent ami Paillard de Villeneuve ? Il me semble qu’avant d’en venir à des actes judiciaires, puisque lui, mon avocat et mon ami, est dans l’affaire, l’affaire peut très simplement s’arranger par lui. Il a plaidé excellemment pour moi dans le procès contre Rengaine pour Lucrèce et Hernani ; personne n’est plus que lui pénétré de mon droit ; puisqu’il est l’ami et le conseil de M. Calzado, il lui sera aisé de faire comprendre à ce directeur nouveau (et évidemment honnête homme puisque Paillard de Villeneuve l’appuie), que le Théâtre Italien me vole depuis deux ans à la faveur d’un arrêt qui n’est autre chose qu’un coup de haine contre un proscrit. Je suis décidé, quant à moi, à toute revendication ultérieure, à moins que le Théâtre Italien, mieux inspiré et mieux conseillé, ne reconnaisse son exaction et mon droit. Paillard de Villeneuve peut être et sera évidemment volontiers cette inspiration et ce conseil. M. Calzado comprendra, et en me restituant mon droit sur Lucrèce et Hernani, méritera que je lui concède Rigoletto, ce que je ferai dans ce cas-là de grand cœur. L’affaire, grâce à Paillard de Villeneuve, est donc évidemment très arrangeable. Voulez-vous lui en parler ? Au cas très improbable où la conciliation, qui me semble si facile, échouerait, alors l’huissier marcherait et, en quittant bien à regret Paillard de Villeneuve, j’aurais recours à mon autre éloquent et excellent ami Crémieux. Tout cela ne vous paraît-il pas sage ? Je le remets à votre diligente amitié.

Mes plus tendres respects à madame Paul Meurice.

À vous tout mon cœur.

Victor Hugo.

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