À Henri de Lacretelle.

Hauteville-House, 4 février 1860.

Il n’y a pas de consolation, cher poëte, pour des douleurs comme la vôtre. Hélas ! cette charmante femme, cette fleur de votre jeunesse, cette aube de votre vie, cette vision lumineuse de notre passé à tous, la voilà donc évanouie ! C’était un sourire, c’est un fantôme. Nous sommes faits pour être quittés par tout ce qu’il y a de meilleur ici-bas. Moi, il y a dix-sept ans qu’un ange que j’avais, ma fille, s’en est allée ; mais je l’ai toujours ; je ne la vois pas, mais je la sens dans ma vie et je l’attends dans ma mort. Vous aussi, vous vous tournez de ce côté-là maintenant. C’est la loi. Nous devons mourir successivement dans tous ceux que nous aimons pour revivre en eux plus tard.

Vous avez toutes les grandes et sérieuses préoccupations de la poésie et de l’art ; votre noble esprit pansera les blessures de votre cœur navré.

Courage, cher poëte. Je vous serre tendrement la main.

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