À Herzen.

Hauteville-House, 15 juillet 1860.

Cher compatriote de l’exil — (car l’exil est à cette heure la patrie des âmes honnêtes), je vous serre la main. Je vous remercie du livre excellent que vous m’avez envoyé, vos mémoires sont un registre d’honneur, de foi, de haute intelligence et de vertu. Vous savez bien penser et bien souffrir ; les deux plus grands dons que puisse recevoir l’âme humaine. Je vous félicite du fond du cœur.

Je ne regrette rien dans ce beau et bon livre qu’une page (218) ; vous étiez plus que personne digne d’apprécier cette grande génération de 1830 qui, en France, a complété la révolution des faits par la révolution des idées, qui a enfanté d’un seul jet le socialisme et le romantisme, c’est-à-dire le monde nouveau avec son verbe, et qui continue aujourd’hui son apostolat dans la résistance et son sacerdoce dans la proscription. Un jour cette idée de justice vous saisira, et vous glorifierez la jeunesse de 1830 en flétrissant la jeunesse de 1860.

À cette page près, je vous le répète, j’applaudis votre livre d’un bout à l’autre. Vous faites haïr le despotisme, vous aidez à l’écrasement de l’infâme ; il y a en vous un combattant intrépide et un penseur généreux. Je suis avec vous.

Victor Hugo.

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